Document de principes
Affichage : le 27 novembre 2017
Un document de principes conjoint de la Société canadienne de pédiatrie et de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
Alice Charach, Stacey Ageranioti Bélanger; Société canadienne de pédiatrie, John D McLennan, Mary Kay Nixon; Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Comité de la santé mentale et des troubles du développement
Paediatr Child Health 2017;22(8):485–493
Chez les enfants d’âge préscolaire, les comportements perturbateurs sont d’importants facteurs de risque et des éléments potentiels de troubles du neurodéveloppement et de la santé mentale. Entre l’âge de deux et cinq ans, il est normal d’observer des comportements transitoires comme un certain défaut de se conformer, des crises de colère et de l’agressivité. Cependant, il est important de dépister les comportements perturbateurs problématiques, particulièrement lorsqu’ils s’accompagnent d’une atteinte fonctionnelle ou d’une détresse marquée, car une intervention précoce peut améliorer le pronostic. Le présent document de principes décrit une démarche pour diagnostiquer rapidement ce type de comportements grâce au dépistage clinique lors des examens de santé réguliers, suivis d’un examen de la santé mentale qui inclut des mesures standardisées. Le praticien devrait envisager une série de facteurs liés à l’environnement, au développement, à la famille et à la relation parent-enfant pour évaluer la signification clinique des comportements perturbateurs. Parmi les plans de prise en charge possibles, soulignons un suivi régulier conjugué à des conseils sur la santé et sur les habiletés parentales, l’orientation vers une formation sur les comportements destinée aux parents (une intervention fondamentale fondée sur des données probantes) et l’orientation des enfants d’âge préscolaire vers des soins spécialisés lorsqu’ils présentent des comportements perturbateurs importants, qu’ils ont des comorbidités touchant le déve loppement ou la santé mentale ou qu’ils ne répondent pas aux interventions de première ligne.
Mots-clés : ADHD; Behaviour problems; ODD; Preschoolers; Primary care; Screening
On estime que les comportements perturbateurs, comme les graves crises de colère, l’agressivité et le défaut généralisé de se conformer, touchent de 9 % à 15 % des enfants d’âge préscolaire [1]. En plus de nuire au fonctionnement de l’enfant et d’accroître le stress familial, ces comportements sont des facteurs de risque et des éléments potentiels de divers troubles du neurodéveloppement et de la santé mentale. Les troubles de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), les troubles oppositionnels avec provocation (TOP), les troubles des conduites, les troubles anxieux et les troubles de l’humeur, de même que les troubles cognitifs et les troubles du langage, entre autres, peuvent s’y associer [1]. Une forte proportion d’enfants d’âge préscolaire peuvent conserver des comportements perturbateurs cliniques et subcliniques au début de leur scolarité [2]–[4], ce qui risque de compromettre leurs résultats scolaires et leur santé physique et mentale à l’adolescence et à l’âge adulte [5]–[7]. Les enfants qui ont des troubles disruptifs et leur famille ont une moins bonne qualité de vie que le reste de la population, et les services scolaires, de soutien social, de santé et de justice pénale coûtent plus cher à la société que ceux qui sont engagés pour les enfants dont le développement se situe dans les limites de la normale [8]–[10].
D’après une étude canadienne, à leur arrivée à la prématernelle, de 25 % à 30 % des enfants n’ont pas la maturité scolaire nécessaire sur le plan du développement [11]. Les lacunes en matière d’autorégulation du comportement et des émotions peuvent empêcher l’enfant de bien participer lorsqu’il commence l’école. Dans ce groupe d’âge, de telles lacunes peuvent prendre la forme de comportements perturbateurs. Une intervention peut les atténuer lorsqu’elles sont dépistées tôt.
Le fonctionnement social, affectif et comportemental des enfants peut varier considérablement entre l’âge de deux et cinq ans, selon l’étape de leur développement, leur environnement et les personnes qui s’occupent d’eux. En général, l’agressivité ou les crises de colère atteignent leur paroxysme vers l’âge de trois ans, et pour bien des enfants, elles représentent une étape transitoire de leur développement plutôt qu’un réel problème [12]. Des comportements qui se situent dans les limites de la normale à l’âge de trois ans peuvent toutefois être indicateurs d’un problème ou d’un trouble important sur le plan clinique à l’âge de cinq ans. La plupart des enfants apprennent à contrôler leurs pulsions d’agressivité et acquièrent des habiletés prosociales en réponse aux structures et aux attentes qu’établissent leurs parents et les autres personnes qui s’occupent d’eux, et simplement aussi parce qu’ils prennent de la maturité [13]. Des difficultés connexes peuvent entrer en ligne de compte. Par exemple, selon une étude, les enfants présentant un TOP sans morbidités connexes à l’âge préscolaire étaient beaucoup moins susceptibles de présenter un trouble diagnostiqué à l’âge de huit ans que ceux chez qui le TOP s’accompagnait d’un trouble anxieux, d’un trouble de l’humeur ou d’un TDAH [14].
Un important problème demeure non résolu : comment distinguer les enfants ayant des troubles disruptifs qui sont susceptibles de profiter d’un dépistage, d’une évaluation et d’une intervention précoces de ceux dont le développement suivra une trajectoire normale sans intervention ou après une intervention mineure? Pour déterminer que des comportements perturbateurs sont problématiques, il ne suffit pas d’établir qu’une difficulté se résoudra ou non d’elle-même. Les praticiens doivent également cerner les situations où le comportement de l’enfant provoque une détresse importante ou nuit à la fonction adaptative normale de l’enfant et de sa famille.
Une façon d’aborder ces enjeux complexes consiste à envisager des constantes dans les domaines ou les dimensions du comportement perturbateur : défaut de se conformer, agressivité et perte de contrôle [15]. Sur le plan du développement, il peut être difficile de distinguer les comportements qui se situent dans les limites de la normale des comportements atypiques chez les enfants d’âge préscolaire, surtout lorsqu’il est question de crises de colère et de défaut de se conformer. Toutefois, dans certains cas, la fréquence, l’intensité et la durée du comportement en font ressortir le caractère atypique. On observe ces comportements chez moins de 5 % de la population d’âge pédiatrique en milieu communautaire, et ils peuvent être considérés comme des indicateurs potentiels d’un pro blème ou des « signaux d’alarme », qui justifient une évaluation ou un suivi [16]. Quelques exemples sont exposés au tableau 1. Une grappe de comportements perturbateurs est considérée constituer un trouble si elle respecte les critères suivants :
Les comportements perturbateurs s’inscrivent dans des interactions complexes entre l’enfant d’âge préscolaire et son environnement. De manière générale, un cadre bioécologique permet d’évaluer le jeune enfant au sein de sa famille et de ses cadres de vie [18]. Le praticien doit examiner systématiquement les domaines suivants : l’enfant, sa famille et son environnement. Il peut également utiliser ce cadre bioécologique pour procéder à une analyse complète de la santé mentale de l’enfant et préparer un plan de prise en charge.
Pour ce qui est de l’enfant, il faut s’informer du profil ou de la constance des symptômes perturbateurs ainsi que de leurs éléments déclencheurs et consigner particulièrement ce qui aggrave ou atténue les comportements problématiques. Au tableau 2 figurent les domaines à évaluer. En effet, l’évaluation de la fonction adaptative de l’enfant dans les divers contextes permettra de confirmer la constance et la gravité de l’atteinte. Il est également important de consigner les facteurs protecteurs, c’est-à-dire les forces de l’enfant et de sa famille, telles que la cognition, un emploi stable ou l’entraide apportée par le réseau familial.
Peu de problèmes de santé physique contribuent aux comportements perturbateurs. Règle générale, on devrait déjà avoir déterminé si l’enfant présente des troubles de la vision ou de l’ouïe et des irrégularités sur le plan de l’alimentation et du sommeil. L’impulsivité excessive, l’hyperactivité et l’inattention peuvent être indicatrices d’un TDAH précoce. Les retards de langage et de la communication sociale peuvent s’associer à un trouble du langage primaire, de la communication ou du spectre de l’autisme encore non diagnostiqué. De l’anxiété ou des peurs excessives et persistantes peuvent signaler un trouble de la séparation ou d’autres troubles anxieux.
Au sein de la famille, les interactions parent-enfant sont des domaines clés d’observation et de questions. L’enfant qui a des relations chaleureuses et protectrices avec les personnes importantes dans sa vie (particulièrement ses parents ou d’autres personnes qui s’occupent principalement de lui) est exposé à des facteurs protecteurs essentiels [19]. L’interruption des soins découlant de l’absence, de problèmes de santé mentale ou physique ou d’autres préoccupations d’un parent peut contribuer aux comportements perturbateurs. La dysfonction familiale, la violence conjugale, les difficultés financières ou la maladie d’un membre de la famille élargie peuvent empêcher un parent de maintenir des attitudes protectrices, les activités de la vie quotidienne et des habiletés parentales efficaces, toutes fondamentales pour enseigner et perpétuer l’autorégulation comportementale et affective [20][21]. L’examen des pratiques et approches parentales devant un comportement difficile peut faire ressortir des possibilités d’intervention. Par exemple, par son comportement perturbateur et son anxiété, l’enfant peut réagir aux attentes trop élevées d’un adulte envers ses habiletés cognitives, surtout s’il présente un retard de développement global [22]. Les profils comportementaux peuvent changer selon les figures parentales ou les milieux, et différer entre la maison et le milieu de garde, par exemple. Par l’examen de ces changements et de ces différences, on peut mieux comprendre l’étiologie et déterminer les meilleurs modes d’intervention.
Cependant, même après une évaluation systématique, il est difficile d’établir si certains enfants présentent la symptomatologie ou le degré d’atteinte fonctionnelle nécessaire pour diagnostiquer un trouble sans équivoque. Dans de telles situations, la meilleure démarche consiste à s’entendre avec la famille pour prévoir une série de rendez-vous réguliers afin de suivre la trajectoire comportementale de l’enfant sur une période de plusieurs mois. En pratique, le moment d’une orien tation vers des services spécialisés dépend de l’accès dans la localité, des temps d’attente et de la volonté du parent à accepter qu’elle ait lieu.
Les praticiens en milieu communautaire fournissent les soins de première ligne. Ainsi, ils constatent les comportements à problème et aident les familles à accéder aux ressources dont elles ont besoin [23]. La prévalence de troubles de santé mentale chez les enfants d’âge préscolaire, qui se situe entre 10 % et 15 %, est semblable à celle des enfants plus âgés [1]. Cependant, selon certaines données probantes, les troubles du comportement des enfants d’âge préscolaire ont tendance à être sous-évalués dans les établissements de soins pédiatriques, tout comme ceux des enfants d’âge scolaire [24]. Contribuent à ce sous-diagnostic le manque de temps, le manque de formation en matière de dépistage, d’évaluation et de prise en charge des troubles psychiatriques chez les enfants ainsi que le nombre limité de spécialistes vers qui les enfants et les familles peuvent être dirigés et le peu d’accès à leurs services [23].
Des occasions de dépistage se présentent lorsque les parents expriment leurs inquiétudes à l’égard du comportement, de l’affectivité ou des habiletés sociales de l’enfant ou de leurs propres difficultés parentales. Puisque le rendez-vous régulier n’est souvent pas assez long pour évaluer systématiquement la santé socioaffective, les médecins devraient prévoir du temps supplémentaire lorsque la situation le justifie [25]. Lorsque les parents n’expriment pas spontanément leurs inquiétudes, le médecin peut également profiter du bilan de santé pour s’informer des changements récents à l’environnement de l’enfant ou de l’efficacité des habiletés parentales.
Des méthodes précises pour évaluer systématiquement le comportement sont proposées dans des guides standardisés d’évaluation de la santé ou des mesures de dépistage transmises par les parents. Elles sont exposées dans les prochaines rubriques.
Les pratiques actuellement recommandées au Canada pour suivre la santé et le développement des enfants de cinq ans et moins sont synthétisées dans le Relevé postnatal Rourke (RPR) [26] et l’ABCdaire (Université de Montréal, https:// enseignement.chusj.org/fr/Formation-continue/ABCdaire). Le Collège des médecins de famille du Canada et la Société canadienne de pédiatrie approuvent la recommandation d’utiliser le RPR lors du bilan de santé régulier. Le RPR a été mis à jour en 2017 pour intégrer les conseils relatifs aux questionnaires sur le développement lors du bilan de santé à 18 mois. Ces deux séries de lignes directrices préconisent une démarche systématique, détaillée et non précipitée pour procéder à l’évaluation périodique de l’enfant, y compris le dépistage et le suivi des risques pour la santé, notamment les facteurs de risque socioaffectifs. Il est particulièrement important de demander aux parents s’ils éprouvent des inquiétudes à l’égard de la fonction comportementale ou affective de leur enfant. Au tableau 3 sont énumérées quelques questions ouvertes qui peuvent contribuer à obtenir de l’information sur le fonctionnement comportemental ou affectif de l’enfant dans les divers milieux où il évolue et à évaluer la détresse qui en découle pour l’enfant et sa famille.
Les mesures de dépistage standardisées peuvent contribuer à évaluer et dépister des comportements perturbateurs ou des symptômes évoquant des problèmes de santé mentale chez des enfants d’âge préscolaire. Un parent, une personne importante dans la vie de l’enfant, des enseignants ou des éducateurs en milieu de garde peuvent remplir la plupart des questionnaires. Certains praticiens préfèrent que le questionnaire soit rempli avant le rendez-vous axé sur les problèmes de comportement, afin de pouvoir passer les réponses en revue pendant l’évaluation [27].
Au tableau 4 sont exposées les caractéristiques de mesures standardisées courantes pour les enfants d’âge préscolaire. Comme bien des tests de dépistage, ils sont plus efficaces pour écarter la présence de troubles graves que pour confirmer un diagnostic. Certaines mesures conviennent mieux pour repérer des cas, c’est-à-dire pour dépister les enfants qui ont besoin d’une évaluation systématique plus approfondie. D’autres encore, comme l’Inventaire des comportements de l’enfant (connu d’après l’acronyme CBCL, pour Child Behavior Checklist), peuvent être utilisées dans le cadre d’une évaluation diagnostique pour quantifier les dimensions de multiples problèmes. Comme les autres tests de dépistage, les mesures de dépistage standardisées utilisées pour évaluer des troubles dans ce groupe d’âge peuvent donner lieu à des résultats faussement positifs ou faussement négatifs. Les risques des résultats faussement positifs incluent l’anxiété des parents, qui craignent que leur enfant présente ou acquière un grave trouble du comportement, l’ostracisme qui s’associe aux interventions en santé mentale et le risque d’orienter l’enfant vers un spécialiste pour qu’il su bisse une évaluation ou une intervention dont il n’a pas besoin. Quant aux risques liés aux résultats faussement négatifs, ils incluent des interactions parent-enfant négatives et prolongées, le report du traitement qui entraînera des interventions plus coûteuses et plus chronophages, les occasions ratées de prévenir ou d’atténuer les répercussions négatives sur les résultats scolaires, les interactions sociales et la santé mentale. Les données probantes ne sont pas encore suffisantes pour appuyer l’utilisation systématique de mesures standardisées afin de procéder au dépistage précoce des problèmes de santé mentale chez les enfants [24]. Cependant, des prises de position pour dépister les problèmes et intervenir beaucoup plus rapidement font partie des tendances lourdes en matière de politiques de santé publique [19].
À; la page www.cps.cs/en/tools-outils/mental-health-screening-tools-and-rating-scale de son site Web qui n’est offerte qu’en anglais, la Société canadienne de pédiatrie présente d’autres mesures de dépistage des troubles de santé mentale.
Tableau 4. | |||||
Mesures de dépistage standardisées des enfants d’âge préscolaire vulnérables à des troubles disruptifs | |||||
Inventaire des comportements de l’enfant (CBCL) | Questionnaire sur les forces et les difficultés (SDQ) | Preschool Pediatric Symptom Checklist | Questionnaire sur les étapes du développement : comportements socioaffectifs 2 | Eyberg Child Behavior Inventory | |
Type de mesure de dépistage | Vaste | Vaste | Vaste | Vaste | Propre aux comportements perturbateurs |
Site Web | www.aseba.org | www.sdqinfo.org | www.floatinghospital.org/-/media/Brochures/Floating%20Hospital/SWYC/V2/English/Age%20Specific%20Forms/24%20Month%20v106%209116.ashx | www.Agesandstages.com | www4.parinc.com/Products/Product.aspx?ProductID=ECBI |
Tranche d’âge | 1,5 à 5 ans | 2 à 4 ans | 1,5 à 6 ans | 1 à 72 mois | 2 à 16 ans |
Longueur | 99 questions | 25 questions | 18 questions | 30 questions | 36 questions |
Avis demandés | Parent, enseignant, éducateur en milieu de garde | Parent, enseignant, éducateur en milieu de garde | Parent | Parent | Parent et enseignant |
Traductions dans d’autres langues que l’anglais | 90 langues (y compris le français) | 80 langues (y compris le français) | Espagnol, portugais, birman, népalais (pas en français) | Espagnol (pas en français) | Espagnol (pas en français) |
Pointage | Formation requise | Aucune formation requise | Aucune formation requise | Aucune formation requise | Formation requise |
Coût | Oui | Gratuit | Gratuit | Oui | Oui |
L’évaluation et le dépistage initiaux doivent orienter les premières recommandations de prise en charge. On peut commencer par planifier des rendez-vous pour compléter divers aspects de l’évaluation systématique, orienter l’enfant vers un spécialiste ou procéder à des tentatives d’intervention précoce. Chez les enfants qui ont un comportement limite ou à risque ou dont le comportement semble se situer dans les limites de la normale, les conseils préventifs aux parents et aux autres personnes qui s’occupent de l’enfant sur une discipline efficace et la psychoéducation (y compris la lecture dirigée) peuvent suffire. Ils peuvent porter sur les attentes adaptées à l’âge, les bienfaits de routines quotidiennes et la nécessité d’être constant dans ses attentes vis-à-vis du comportement.
Chez les enfants dont les comportements perturbateurs sont problématiques, la recommandation de première ligne consiste à proposer des programmes de formation sur le comportement destinés aux parents [28]. Ces programmes, qui peuvent être offerts sous forme individuelle ou en groupe, doivent viser l’acquisition intensive d’habiletés parentales au moyen de directives explicites, de l’imitation, d’exercices et de rétroaction. Même pour des parents compétents, il peut être difficile de modifier des profils parentaux établis et d’acquérir de nouvelles habitudes, plus efficaces, pour prendre en charge des comportements perturbateurs importants. Les habiletés parentales enseignées dans des programmes de groupe fondés sur des données probantes sont résumées au tableau 5 [29].
Dans certaines pratiques de pédiatrie communautaire, les praticiens ont monté un programme de formation de dix séances sur le comportement des parents. Douze mois après la fin du programme, les enfants d’âge préscolaire ayant un comportement perturbateur avaient de meilleures interactions avec leurs parents et avaient adopté de meilleurs comportements (par rapport aux sujets témoins de la liste d’attente) [30]. Cependant, peu de pratiques au Canada disposent des ressources nécessaires pour offrir un tel programme « à l’interne ». Il faut toujours envisager d’orienter les parents vers un programme officiel.
Divers programmes axés sur les habiletés parentales et fondés sur des données probantes sont offerts au Canada en fonction du lieu de résidence des familles. Soulignons le programme Triple P (www.triplepontario.ca/fr/practitioner_regions/north.aspx;www.manitobatriplep.ca/fr), les programmes Ces années incroyables (http://observatoiremaltraitance.ca/Documents/Ces_annees_incroyables_Programme_2010-12-07.pdf) et les programmes offerts dans les régions rurales et éloignées par l’entremise de l’Institut des familles solides (http://famillessolides.com). Il est toutefois important de souligner que, même si tous ces programmes ont une certaine efficacité, les enfants ayant des comportements perturbateurs importants ou leur famille n’en retirent pas tous des bienfaits. De plus, dans certaines familles, ces programmes ne suffisent pas lorsqu’ils sont utilisés seuls. D’autres programmes sont offerts dans les diverses localités du Canada. Les praticiens devraient se familiariser avec les ressources locales, les services offerts et les preuves de leur efficacité. Il y a de nombreux programmes sous-financés et sous-évalués sur les habiletés parentales au Canada [31]
Les enfants et les parents ne répondent pas tous aux interventions de première ligne, mais celles-ci peuvent tout de même leur fournir une « structure » importante pour favoriser des changements de comportement positifs. Elles constituent donc un élément fondamental des soins en santé mentale pour les enfants qui présentent des comportements perturbateurs. Devant de tels comportements, les enseignants au préscolaire et les éducateurs en milieu de garde peuvent recourir à certaines interventions comportementales fondées sur des données probantes adaptées à leur contexte [32].
Dans des cas exceptionnels, on peut envisager d’associer des médicaments aux approches comportementales. Certaines données confirment le caractère sécuritaire et efficace de médicaments auprès de cette population [33], mais les praticiens devraient généralement s’abstenir d’en prescrire pour traiter un trouble disruptif sans avoir d’abord essayé une intervention comportementale fondée sur des données probantes [28]. Selon l’expérience clinique, les enfants qui ne répondent pas adéquatement à un programme de formation sur le comportement que leurs parents ont bien respecté peuvent avoir un trouble particulièrement important, présenter une comorbidité qui complique la situation, avoir obtenu un mauvais diagnostic ou vivre dans un environnement psychosocial particulièrement complexe. Par exemple, les enfants qui sont témoins de violence interpersonnelle ou qui sont victimes de violence physique ou sexuelle ont besoin d’autres interventions ou de l’interposition des services de protection de l’enfance. Le parent qui a des problèmes psychiatriques peut représenter un cas particulièrement difficile qui aura besoin d’interventions distinctes ou complémentaires et qui devra être dirigé rapidement vers des services psychosociaux et communautaires plus spécialisés et plus intensifs pour le soutenir.
Les comportements perturbateurs peuvent représenter un défi de taille pour les parents, les autres personnes qui s’occupent de l’enfant et l’enfant d’âge préscolaire. Ils peuvent également signaler un risque de problèmes de santé mentale présent ou futur. Les comportements perturbateurs problématiques peuvent provoquer de la détresse, nuire au fonctionnement et au développement, limiter les activités familiales, compromettre les relations avec les camarades et restreindre l’accès à des services de garde de qualité. L’examen de l’intensité, de la fréquence et des caractéristiques de ces comportements difficiles, conjointement avec l’évaluation de la fonction adaptative, contribuera à déterminer si les problèmes sont transitoires, s’ils se situent dans les limites de la normale ou s’ils nécessitent qu’on s’y attarde ou qu’on intervienne.
Les recommandations suivantes reposent sur le consensus clinique actuel. Elles seront revues périodiquement en fonction de l’évolution des connaissances. Dans le cadre du bilan de santé régulier des enfants de deux à cinq ans, les praticiens qui voient des enfants et leur famille dans leur pratique devraient adopter les mesures suivantes :
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie et des représentants de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et du Collège des médecins de famille du Canada ont révisé le présent document de principes.
Membres : Debra Andrews MD (présidente), Stacey Ageranioti Bélanger MD (présidente sortante), Alice Charach MD, Brenda Clark MD (membre sortante), Mark Feldman MD (représentante du conseil), Benjamin Klein MD, Daphne Korczak MD, Oliva Ortiz-Alvarez MD
Représentants : Clare Gray MD, Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent; Angie IP MD, section de la santé du développement de la SCP; Aven Poynter MD, section de la santé mentale de la SCP
Auteurs principaux : Alice Charach MD; Stacey Ageranioti Bélanger MD, John D McLennan MD, Mary Kay Nixon MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024