Document de principes
Affichage : le 18 juillet 2018 | Reconduit : le 11 janvier 2024
Joan L Robinson; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2018, 23(5):357–361.
Les taux de vaccination sont sous-optimaux au Canada. Certains pays utilisent des stratégies comme des preuves de vaccination obligatoires pour entrer à la garderie ou à l’école et des incitations financières. D’autres stratégies pourraient fonctionner dans le contexte canadien, telles que la remise, à l’entrée à l’école, d’un dossier de tous les vaccins administrés, la création de registres de vaccination provinciaux ou territoriaux, l’information aux parents et aux enfants d’âge scolaire au sujet des maladies évitables par la vaccination et l’adoption de mesures afin que les parents puissent s’assurer plus facilement de la vaccination complète de leurs enfants.
Mots-clés : Immunization; Immunization mandate; Immunization programs
Dans une perspective démographique, les vaccins systématiques pour enfants au Canada ont des bienfaits immenses pour la santé par rapport à leurs effets secondaires potentiels [1]. Pourtant, de nombreux enfants sont sous-vaccinés. Parmi les raisons courantes pour expliquer ce phénomène, soulignons le simple oubli par les parents à l’égard de l’administration d’un vaccin à leur enfant, la difficulté de se rendre à une clinique pendant les heures d’ouverture, le scepticisme envers le danger que représentent les maladies évitables par la vaccination, la conviction que les enfants sont « trop jeunes » pour recevoir certains vaccins (ou qu’ils en reçoivent trop ou qu’ils doivent développer leur « immunité naturelle ») et, enfin, la méfiance envers la crédibilité des professionnels de la santé ou envers l’innocuité et l’efficacité des vaccins [2].
Des éclosions de rougeole ont eu lieu récemment, et le public prend de plus en plus conscience de la propagation inévitable de la rougeole à moins qu’environ 95 % de la population générale soit immunisée. C’est pourquoi certains manifestent de l’intérêt envers l’adoption d’exigences vaccinales pour l’entrée à l’école afin d’accroître la couverture vaccinale et de prévenir la propagation de maladies évitables par la vaccination. En Ontario, au Nouveau-Brunswick, aux États-Unis et en Australie, les enfants sont tenus d’être entièrement vaccinés pour pouvoir commencer l’école.
On peut seulement estimer les taux de couverture vaccinale au Canada, car les registres régionaux sont relativement récents et de nombreux dispensateurs de soins peuvent administrer les vaccins. Au tableau 1 est présentée la couverture par les vaccins recommandés en fonction de l’âge, d’après le contenu des sites Web des provinces et des territoires en janvier 2018 [3]–[17]. Ces pourcentages ne sont pas toujours directement comparables, parce que les modes de collecte de données varient beaucoup. Ainsi, toute analyse formelle est impossible. Cependant, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, les deux provinces disposant d’exigences vaccinales pour l’entrée à l’école, les taux de couverture semblent semblables à ceux des autres régions sociosanitaires. La couverture générale au Canada semble également analogue aux taux relevés aux États-Unis en 2016. En effet, dans ce pays, 70 % des enfants de 19 à 35 mois avaient un dossier de vaccination complètement à jour en fonction de leur âge, 94 % avaient reçu au moins trois doses du vaccin contre la diphtérie, la coqueluche acellulaire et le tétanos (DCaT) et 91 %, au moins une dose des vaccins contre la varicelle, la rougeole, la rubéole et les oreillons [18], alors que 88 % des adolescents avaient reçu au moins une dose du vaccin DCaT après l’âge de dix ans, 83 %, le vaccin contre le méningocoque et 50 %, toutes les doses du vaccin contre le virus du papillome humain (les filles seulement) [19]. La couverture semble toutefois beaucoup plus élevée en Australie, où 94 % des nourrissons de 12 mois, 91 % des enfants de 24 mois et 94 % de ceux de cinq ans avaient un dossier de vaccination à jour en fonction de leur âge en 2017 [20].
Tableau 1. Sommaire des taux de vaccination au Canada, d’après les sites Web provinciaux et territoriaux (données consultées en janvier 2018) | |||||||
Province ou territoire (référence) |
2 ans : DCaT-VPI-Hib, Pneu, Men, RROa |
2 ans : à jour pour tous les vaccins |
4 à 7 ans : DCaT-VPI, RROa |
4 à 7 ans : à jour pour tous les vaccins |
VPH (toutes les doses—filles) |
HB (toutes les doses) |
Dose de rappel DCaT/dT pour les adolescents |
Régions sociosanitaires sans exigences vaccinales pour l’entrée à l’école | |||||||
Terre-Neuve-et-Labrador 2014–2015 [3] |
96 % à 98 % |
– |
95 % |
– |
89 % |
93 % |
94 % |
Nouvelle-Écosse 2015–2016 [4] |
– |
– |
– |
– |
81 % |
77 % |
94 % |
– |
89 % |
– |
– |
– |
– |
– |
|
89 % à 95 |
85 % |
– |
– |
67 % à 96 % dans diverses écoles |
– |
– |
|
Manitoba 2014 [9] |
70 % à 88 % |
66 % |
67 % à 92 % |
62 % |
58 % |
71 % (âge de 11 ans) |
55 % (DT); 52 % (coqueluche) |
Saskatchewan 2016 [10] |
77 % à 88 % |
|
76 % à 90 % |
|
78 %b |
71 %b |
71 %b |
Alberta 2016 [11] |
77 % à 89 % |
– |
79 % à 80 % |
– |
65 % |
66 % |
82 % |
Colombie-Britannique 2016 ou 2017 [12]c |
78 % à 87 % |
73 % |
76 % à 95 % |
68 % |
67 % |
93 % |
81 % |
Territoires du Nord-Ouest 2010 [13] |
76 % à 89 % |
66 % |
– |
– |
– |
– |
– |
Yukon 2011 [14] |
61 % à 82 % |
– |
– |
– |
50 % |
80 % (âge de 2 ans) |
– |
Nunavut 2013d |
61 % à 78 % |
|
46 % à 73 % |
|
53 % |
43 % (âge de 7 ans) |
36 % |
Régions sociosanitaires dotées d’exigences vaccinales pour l’entrée à l’école | |||||||
Nouveau-Brunswick 2015–2016 [16] |
– |
– |
81 % à 91 % |
78 %e |
75 % |
– |
83 % |
Ontario 2015–2016 [17] |
– |
– |
84 % à 96 % |
– |
61 % |
70 % |
72 % (DT); 65 % (coqueluche) |
DCaT/dT vaccin contre la diphtérie, la coqueluche acellulaire et le tétanos/la diphtérie (dose réduite d’anatoxine) et le tétanos; DCaT-VPI-Hib vaccin contre la diphtérie, la coqueluche acellulaire, le tétanos, le virus de la poliomyélite inactivé et l’Haemophilus influenzae de type b; DT vaccin contre la diphtérie et le tétanos; HB vaccin contre l’hépatite B; Men vaccin contre le méningocoque; Pneu vaccin contre le pneumocoque; RRO vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons; VPH vaccin contre le virus du papillome humain | |||||||
a Fourchette des taux de couverture vaccinale à jour b À l’âge de 17 ans c Exclut les données de l’Autorité sanitaire de la côte de Vancouver d Ces données sont tirées de l’Enquête nationale sur la couverture vaccinale des enfants de 2013 (http://healthycanadians.gc.ca/publications/healthy-living-vie-saine/immunization-coverage-children-2013-couverture-vaccinale-enfants/alt/icc-2013-cve-fra.pdf). Puisque ces données reposent entièrement sur les comptes rendus des parents, elles sont vraisemblablement moins précises que celles des autres régions sociosanitaires e Plutôt que les véritables taux de couverture vaccinale, ces taux reflètent la couverture avérée à l’entrée à l’école (une diminution par rapport à 93 % en 2008–2009). On ne sait pas si les enfants dont les parents ne peuvent pas produire de dossier de vaccination sont considérés comme non vaccinés. |
Puisque de nombreux parents trouvent la décision de vacciner complexe, il est nécessaire d’évaluer attentivement et de mettre en œuvre de nouvelles stratégies de vaccination au Canada. L’adoption d’exigences vaccinales pour l’entrée à l’école comporte un désavantage : même les parents qui sont en faveur de la vaccination peuvent considérer cette approche comme une ingérence dans leur droit de choisir ce qu’ils considèrent le mieux pour leur enfant. Les exigences vaccinales pour l’entrée à l’école peuvent donc involontairement alimenter les campagnes anti-vaccination par des objections axées sur les droits individuels, tant dans les médias imprimés que dans les médias sociaux. On peut anticiper ce problème en autorisant les exemptions non médicales, mais selon de récentes analyses, ces demandes sont à la hausse tant aux États-Unis [21] qu’en Ontario [22], ce qui freine l’intérêt de revoir les exigences vaccinales pour l’entrée à l’école. Aux États-Unis, ces exigences ont accru substantiellement la couverture vaccinale [23] lors de leur entrée en vigueur, mais elles ont été adoptées il y a plusieurs décennies, à une époque où les responsabilités sociales l’emportaient encore sur les droits individuels. Cet équilibre n’existe peut-être plus dans le Canada d’aujourd’hui. D’après une récente analyse systématique, les études qui appuyaient les exigences vaccinales pour l’entrée à l’école provenaient surtout de régions où les taux de vaccination de base étaient relativement faibles [24]. De plus, la publicité négative entourant cette obligation peut inciter des parents qui auraient autrement fait vacciner leurs enfants aux moments voulus à retarder la vaccination jusqu’à l’entrée de leurs enfants à l’école. Selon certaines données probantes, ces reports sont plus fréquents aux États-Unis [25]. Puisque de nombreuses infections évitables par la vaccination sont plus graves chez les jeunes enfants, cette tendance est inquiétante. Les parents peuvent également « contourner » cette obligation en faisant l’école à la maison à leurs enfants. Par ailleurs, des ressources financières et législatives importantes doivent être mobilisées pour assurer le respect des exigences vaccinales pour l’entrée à l’école.
L’Australie a instauré des incitations financières afin d’encourager les parents à faire vacciner leurs enfants, et les parents ne reçoivent pas de prestations en cas d’exemption non médicale [26]. Ces programmes et leurs résultats n’ont pas fait l’objet d’études. De telles incitations financières seraient difficiles à adopter au Canada. En effet, à cause de la panoplie de registres, il serait compliqué de vérifier l’état vaccinal de chaque enfant.
Les politiques canadiennes en matière de santé doivent viser à garantir que les parents fassent vacciner leurs enfants pour des raisons positives, soit assurer une protection contre des maladies et réduire les risques, plutôt que pour éviter les répercussions légales liées à la non-vaccination [27].
Puisque très peu d’études reflètent le contexte canadien, les recommandations suivantes reposent largement sur des avis d’experts.
Il faudra réaliser d’autres recherches sur les résultats cliniques et l’efficience de l’adoption d’exigences vaccinales pour l’entrée à la garderie ou à l’école, des programmes d’incitation financière et des autres stratégies visant à accroître la couverture vaccinale.
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie et des représentants du Collège des médecins de famille du Canada ont révisé le présent document de principes.
Membres : Michelle Barton-Forbes MD; Natalie A. Bridger MD; Shalini Desai MD; Michael Forrester MD; Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Charles Hui (membre sortant); Nicole Le Saux MD (présidente); Marina I. Salvadori MD (membre sortante); Otto G. Vanderkooi MD
Représentants : Upton D. Allen MBBS, Groupe de recherche canadien sur le sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Rhonda Kropp B. Sc. inf., MHP, Agence de la santé publique du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L. Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation
Conseillère : Noni E. MacDonald MD
Auteure principale : Joan L. Robinson MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 30 mai 2024