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Point de pratique
Les changements climatiques mondiaux et la santé des enfants canadiens
Affichage : le 14 août 2019
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Les changements climatiques sont une réalité. De nombreuses autorités insistent sur la nécessité de déployer et d’adapter les efforts environnementaux en vue de protéger la santé des êtres humains. Les changements climatiques s’accélèrent, et les pays situés à des latitudes élevées, comme le Canada, les subissent de manière plus directe. De plus, certains paramètres sont plus spectaculaires que dans les pays situés à des latitudes moyennes ou faibles. Les enfants sont vulnérables aux effets des changements climatiques sur la santé, et les médecins et autres dispensateurs de soins doivent être prêts à en détecter, en gérer et en prévenir les dangers. Le présent point de pratique fait ressortir certaines menaces précises des changements climatiques sur la santé des enfants et des adolescents et fournit des ressources pour les professionnels de la santé. Les défis climatiques et leurs effets sur la santé des enfants sont décrits en tenant compte de rapports canadiens importants et d’information prouvée scientifiquement. S’ils connaissent mieux les effets immédiats et à long terme des changements climatiques sur la santé des enfants, les médecins et les autres dispensateurs de soins pourront conseiller les familles et mener leur pratique avec plus d’efficacité.
Mots-clés : Canada; Child heath; Climate change
Les changements climatiques constituent la plus grave menace mondiale pour la santé au XXIe siècle [1][2]. La hausse des températures fait fondre les calottes glaciaires et monter le niveau des mers, accroît l’humidité et crée des conditions et événements météorologiques extrêmes, y compris les vagues de chaleur, les sécheresses, les ouragans et les feux de forêt. De nombreux facteurs naturels ont contribué à l’élévation des températures mondiales par le passé, mais des climatologues de renom dénoncent désormais la pollution, et particulièrement l’émission de combustibles fossiles, comme principale source des effets actuels des changements climatiques. De nombreuses autorités insistent sur la nécessité de déployer et d’adapter les efforts environnementaux en vue de protéger la santé des êtres humains [3]-[5].
Les pédiatres et autres dispensateurs de soins doivent s’attendre à des infections émergentes, à des problèmes de santé causés par l’accroissement de la pollution atmosphérique et à des troubles de santé mentale liés aux catastrophes naturelles. Les changements climatiques auront une incidence à la fois sur l’état de santé individuel et sur celui de l’ensemble de la population [6]. Le présent point de pratique met en lumière des menaces précises pour la santé de la population pédiatrique et propose des ressources sur les problèmes de santé liés aux changements climatiques.
L’anticipation des futurs problèmes de santé
Dès 2008, Santé Canada a collaboré avec de nombreux partenaires internationaux, y compris l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), pour publier le rapport phare intitulé Santé et changements climatiques : Évaluation des vulnérabilités et de la capacité d’adaptation au Canada[7]. Ce rapport anticipait de nombreux problèmes de santé liés au climat et, trois ans plus tard, l’Association médicale canadienne a publié une politique dans laquelle elle a inclus les enfants parmi les populations vulnérables et recommandé des mesures à prendre [8]. La Société canadienne de pédiatrie a approuvé ce rapport en 2013.
Depuis, les changements climatiques se sont accélérés, et les pays situés à des latitudes élevées, comme le Canada, subissent les changements climatiques et les événements qui s’y associent de manière plus directe. Pour ce qui est de certains paramètres, les effets de l’environnement sont également plus spectaculaires que dans les pays situés à des latitudes moyennes ou faibles [9]. Il est urgent de s’adapter sur tous les plans aux conditions climatiques instables, mais la préservation de la santé des enfants constitue une raison d’agir particulièrement pratique… et pressante [10].
Les changements climatiques au Canada
La vaste étendue géographique du Canada recèle des microclimats, des écosystèmes et des topographies multiples et variés. Sur le plan démographique, plus de 85 % de la population habitent en région urbaine, et seulement 3 %, au-dessus du 60e parallèle.
On estime que les températures moyennes au Canada ont augmenté de 1,4 °C entre 1948 et 2009, les variations de température étant plus importantes dans les milieux fragiles, comme la toundra arctique (figure 1) [11].
Figure 1. Variations et tendances annuelles de température, 1948 à 2013
À cause des changements climatiques, l’épaisseur des glaces terrestres et des banquises s’amenuise dans le Grand Nord, ce qui rend les déplacements sur les routes ancestrales, de même que les activités comme la chasse, de plus en plus dangereux [12]. Les banquises fondent à un rythme tel que le passage de l’Arctique pourrait bientôt être ouvert toute l’année. L’instabilité du permafrost nuit à la santé, aux logements et aux infrastructures du Grand Nord, où la vie et l’économie sont intimement liées au territoire [13][14]. Depuis dix ans, les crues saisonnières ont atteint des niveaux sans précédent dans des villes comme Calgary, Montréal, Thunder Bay et Toronto. À cause des périodes de sécheresse plus intenses et prolongées dans les Prairies, les incendies de forêt sont plus fréquents et difficiles à contrôler, tandis que l’élévation du niveau de la mer et l’instabilité des zones littorales provoquent l’érosion des terres continentales exploitables [14].
Un nombre disproportionné d’enfants peut être touché par ces changements liés au climat, et par d’autres encore, parce qu’ils métabolisent plus d’eau, d’air et d’aliments par kilogramme de masse corporelle que les adultes. Leur croissance rapide, le caractère évolutif de leur développement et de leur physiologie et leur exposition aux risques pendant un parcours de vie plus long se conjuguent pour accroître leurs vulnérabilités aux dangers environnementaux. Les enfants défavorisés sur le plan socioéconomique, les enfants autochtones et ceux qui sont atteints d’une maladie chronique sont particulièrement à risque.
Des risques précis liés au climat
Les taux de morbidité et de mortalité liés à la chaleur et au froid sont plus élevés chez les nourrissons et les jeunes enfants. Les nourrissons exposés à la chaleur sont particulièrement à risque, en raison de l’immaturité de leurs mécanismes de régulation thermique [15]. Ces risques s’amplifient chez les enfants qui sont atteints d’une maladie chronique ou qui habitent dans des environnements insalubres ou contaminés.
Les catastrophes naturelles et les phénomènes météorologiques extrêmes peuvent être responsables de blessures et de décès. Leurs effets indirects incluent des personnes déplacées de leur résidence, la vie dans des refuges surpeuplés, des effets socioaffectifs ou des effets à plus long terme sur la santé mentale attribuables au stress, à la perte de proches, de possessions, du gagne-pain familial et des habitudes quotidiennes. Les pénuries ou la contamination d’aliments et d’eau peuvent également compromettre la santé. La suspension des soins ou de l’école peut influer sur le parcours ou la qualité de vie, de même que sur la santé physique et mentale [16].
Les taux croissants de pollution atmosphérique comprennent les particules découlant des incendies de forêt, de la fumée et de la poussière aérogène liées aux changements climatiques, de même que l’ozone au sol, les pollens et les spores. Pendant que la qualité de l’air se détériore, les taux de morbidité et de mortalité respiratoires et cardiovasculaires augmentent [17][18], ce qui comprend les exacerbations de l’asthme [19]. La pollution atmosphérique est un risque environnemental de cancer que le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS a qualifié d’« agent cancérogène de groupe 1 » en 2013 [20]. La fréquence respiratoire plus rapide des enfants, leur immaturité pulmonaire et le temps qu’ils passent à l’extérieur les rendent plus vulnérables à la piètre qualité de l’air que les adultes. L’exposition à la pollution atmosphérique pendant la période prénatale et la petite enfance est particulièrement dangereuse [21].
Lorsque de fortes pluies ou des inondations submergent les installations de traitement des eaux usées, les sources d’eau de plus en plus contaminées, utilisées comme eau potable et pour les loisirs, répandent des infections hydriques, telles que l’amibiase ou que celles causées par le S. typhi, la Giardia, l’E. coli ou le Cryptosporidium[22]. À cause du réchauffement des océans, les algues toxiques prolifèrent et les espèces de Vibrio pathologiques croissent davantage [23]. Les saisons plus chaudes favorisent la contamination des aliments, ce qui accroît le risque d’infections gastro-intestinales [24]. Au Canada, les enfants de moins de quatre ans risquent davantage de souffrir d’une infection déclarée causée par des espèces de Campylobacter, de Giardia, de Salmonella ou de Shigella que les adultes [25].
Les risques d’infection par les insectes, les tiques et les rongeurs augmentent parallèlement à la modification de leur répartition géographique. Certaines infections à transmission vectorielle, comme la maladie de Lyme, sont en hausse au Canada (figures 2 et 3) [26][27].
Figure 2. Nombre et incidence de cas de la maladie de Lyme signalés (confirmés et probables) par année au Canada, 2009-2016
Puisque les saisons de transmission de maladies se prolongent, l’incidence de maladies infectieuses indigènes au Canada (p. ex., encéphalite équine de l’Est et de l’Ouest, fièvre pourprée des montagnes Rocheuses) est susceptible d’augmenter.
L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, causé par les gaz mêmes qui sont responsables des changements climatiques, contribue à accroître l’exposition aux rayons ultraviolets. Cet effet est particulièrement visible dans le Grand Nord canadien, où la couche d’ozone est plus mince. Pendant que la couche d’ozone se rétablit lentement [28], les populations qui habitent à des latitudes moyennes sont plus vulnérables qu’auparavant aux coups de soleil, aux cancers de la peau, aux cataractes ou à un affaiblissement du système immunitaire [29]. Les enfants risquent de présenter des mélanomes au cours de leur vie à cause de leur exposition intense et prolongée aux rayons ultraviolets à un plus jeune âge.
Points de pratique pour les cliniciens
Pour donner de meilleurs conseils aux familles sur la prévention ou l’atténuation des problèmes de santé liés aux changements climatiques et pour améliorer la pratique clinique entourant les infections et les affections connexes, les dispensateurs de soins doivent envisager les mesures suivantes :
S’informer des effets des changements climatiques sur la santé et des maladies qui s’y associent (voir les ressources recommandées).
Élargir le diagnostic différentiel de symptômes courants, tels que la fièvre et les malaises, pour tenir compte des changements aux profils d’infection au Canada.
Modifier les conseils préventifs en fonction des effets des changements climatiques (p. ex., salubrité des aliments par temps chaud, communication des risques de contamination de l’eau en cas de fortes pluies, promotion du port de vêtements protecteur et de l’application de répulsif pour prévenir les piqûres de tiques et de moustiques).
Comprendre les prévisions en matière de concentrations de pollen et de qualité de l’air et donner des conseils aux parents et aux personnes qui s’occupent d’enfants pour limiter l’exposition et maximiser la prise en charge des symptômes respiratoires.
Surveiller les indices ultraviolets locaux et conseiller une meilleure protection au soleil dans les régions où les indices UV sont élevés.
Figure 3. Régions à risque de la maladie de Lyme où les populations de tiques et de Borrelia burgdorferi sont connues ou susceptibles de s’établir (en 2016)
Puisque les changements climatiques s’accélèrent au Canada, les populations continueront d’en ressentir les effets sur leur santé et même d’en souffrir davantage. Afin de favoriser l’évolution des pratiques exemplaires en matière de santé des enfants, il faudra collaborer avec les familles, les communautés et les gouvernements pour se préparer aux effets précis des changements climatiques, les prévenir ou y répondre. Pour prêter leur savoir-faire et soutenir les initiatives liées aux changements climatiques, les médecins et les autres dispensateurs de soins peuvent prendre les mesures suivantes :
Exercer des pressions auprès de tous les ordres du gouvernement afin qu’ils prennent des mesures pour atténuer l’évolution des changements climatiques et s’adapter aux effets déjà ressentis. Par exemple, il est essentiel pour la santé publique d’adopter des politiques qui réduiront la dépendance aux moyens de transport motorisés et amélioreront le potentiel de marche et les pistes cyclables dans les quartiers urbains et de banlieue, de faciliter le transfert des activités sportives extérieures dans des installations intérieures les jours où la qualité de l’air est mauvaise et de créer des infrastructures locales qui réduisent l’utilisation des combustibles fossiles ainsi que les risques d’inondations et d’incendies.
Se porter bénévoles pour siéger à des comités de planification locale ou régionale en cas de chaleur intense, de froid cuisant, de catastrophe ou d’événements météorologiques extrêmes, afin qu’ils tiennent compte des besoins de santé des enfants.
Recommander la formation des stagiaires sur les enjeux liés aux changements climatiques.
Donner l’exemple et encourager les influenceurs, les chefs de famille et les dirigeants communautaires à faire des choix qui favorisent la durabilité environnementale et réduisent les émissions de gaz à effet de serre.
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Le comité de la pédiatrie communautaire, le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né et le comité des maladies infectieuses et d’immunisation de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique, de même que le comité d’action pour les enfants et les adolescents de la SCP et le comité directeur de la section de la santé respiratoire de la SCP. Les auteurs tiennent à remercier la docteure Lesley Brennan, Ph. D. MHP, qui a révisé le présent document et contribué à sa préparation, de même que Justine Klaver-Kibria, M. Sc., qui a participé au travail de recherche.
SECTION DE LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE EN PÉDIATRIE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE
Membres du comité de direction : Faruqa Ladha MD (présidente), Alvaro Osornio Vargas MD (président désigné), Catherine Hervouet-Zeiber MD (présidente sortante), Robert Issenman MD (secrétaire-trésorier), Irena Buka MD (administratrice), Arend Strikwerda MD (administrateur), Shazeen Suleman MD (administratrice), Robin Walker MD (administrateur) Auteures principales : Irena Buka MD, Katherine M. Shea MD
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.