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On estime que le tiers des enfants du Canada sont en surpoids ou obèses, ce qui accroît leur risque de maladies chroniques liées à l’alimentation, telles que le diabète de type 2, l’hypertension et les accidents vasculaires cérébraux, à court terme ou plus tard dans leur vie. La consommation excessive de boissons contenant du sucre ajouté (ou boissons édulcorées) est fortement liée à la prise de poids, l’apparition de maladies chroniques et la carie dentaire. Des recherches récentes établissent une corrélation entre l’augmentation des taxes sur les boissons contenant du sucre ajouté et la diminution de leur consommation dans certaines régions. Cette politique pourrait avoir des effets positifs importants sur la santé publique.
En 2015 au Canada, près de 17 millions d’adultes et 1,5 million d’enfants âgés de cinq à 17 ans étaient cliniquement en surpoids (défini comme un indice de masse corporelle situé de un à deux écarts-types au-dessus de la moyenne [1]) ou obèses (indice de masse corporelle d’au moins deux écarts-types au-dessus de la moyenne [1]). On estime que 400 000 enfants de deux à cinq ans étaient à risque de surpoids, en surpoids clinique ou obèses [2]-[4].
Le surpoids et l’obésité sont d’importants facteurs de risque de futures maladies chroniques liées à l’alimentation, y compris l’hypertension, la dyslipidémie, l’hyperinsulinémie, les maladies coronariennes, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète de type 2, certains cancers, la stéatose hépatique non alcoolique, l’apnée du sommeil et l’arthrose [5][6]. Les enfants obèses courent un risque plus élevé de présenter un diabète de type 2 ou une maladie cardiovasculaire au cours de leur vie [7]. Au Canada, on évalue que les coûts annuels directs de l’obésité sur la santé se situent entre 4,6 milliards de dollars et 7,1 milliards de dollars et qu’ils passeront à 8,4 milliards de dollars d’ici 2021 [8].
Les causes de l’obésité sont complexes, et reliées à de multiples facteurs interdépendants. La consommation fréquente d’aliments et de boissons riches en calories et faibles en nutriments est un facteur de risque établi et important. De multiples études associent la consommation de boissons contenant du sucre ajouté (BSA ou boissons édulcorées) au surpoids et à l’obésité [9][10] ainsi qu’à une augmentation du taux de diabète, d’hypertension, de certains cancers [11]-[13] et de caries dentaires [14][15].
Selon la définition de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les BSA renferment des édulcorants caloriques ajoutés (p. ex., sucrose, sirop de maïs riche en fructose ou jus de fruits concentré). Elles incluent les boissons gazeuses, les boissons fruitées, les boissons sportives, les eaux énergétiques et vitaminées, le thé glacé contenant du sucre ajouté et la limonade [16].
En 2015, l’Organisation mondiale de la Santé a recommandé que les adultes et les enfants limitent leur apport en sucres libres à moins de 10 % de leur apport énergétique total par jour [17]. Les sucres libres sont ceux qui sont ajoutés aux aliments et aux boissons, de même que ceux qui sont naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruits et les concentrés. Pour un adulte moyen, 10 % de l’apport énergétique total représentent environ 50 grammes (12 à 13 cuillerées à thé) de sucres libres par jour. Au Canada, une canette de 355 mL de boisson gazeuse sucrée peut contenir jusqu’à 40 grammes (10 cuillerées à thé) de sucre [18]. En 2015, on estimait que les Canadiens consommaient une moyenne de 227 mL de BSA par jour, et les jeunes de neuf à 18 ans, une moyenne de 430 mL par jour [19]. De nombreux Canadiens dépassaient l’apport quotidien recommandé de sucres libres par leur seule consommation de BSA [19].
D’après une enquête menée aux États-Unis en 2013-2014, environ 60 % des enfants et des adolescents âgés de deux à 19 ans ont déclaré consommer des BSA tous les jours (20). Au Canada, près de 15 % des enfants et des adolescents de trois à 17 ans sondés en 2014 ont affirmé consommer des boissons gazeuses, des boissons fruitées ou des boissons sportives tous les jours [21]. Si ce taux se maintient, une étude de modélisation pour le Canada a prédit que plus de deux millions de nouveaux cas d’obésité se déclareront entre 2016 et 2041. De plus, cette étude a établi que des milliers de nouveaux cas de cancer, de diabète de type 2 et de maladie cardiovasculaire seraient alors liés à la consommation de BSA [19].
Une solution proposée
Une méta-analyse de 11 études systématiques réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé a démontré qu’une hausse des taxes peut modifier les habitudes et comportements d’achat et de consommation, les effets les plus importants et les plus constants touchant les BSA dont la taxation est de l’ordre de 20 % à 50 % [16]. Ce résultat correspondait aux constatations de plusieurs autres études [22]-[24] qui, conjointement, révèlent que les taxes et les autres stratégies de tarification doivent être considérées comme des moyens d’action pour réduire l’apport de BSA [22]. Un droit d’accise pourrait être particulièrement efficace pour réduire le taux de consommation de BSA [25]-[27] et ses effets négatifs sur la santé à l’échelle de la population [22][27][28]. Plusieurs pays (25,29,30) et certaines régions des États-Unis [26] ont adopté un droit d’accise relativement peu élevé, dont les effets positifs sont attestés. Lorsque la France a commencé à prélever un droit d’accise de 0,11 € le 1,5 L (environ 16 cents le 1,5 L), les ventes de BSA ont reculé de 3,3 % (31). À Berkeley, en Californie, la consommation de ce type de boissons a fléchi de 21 % dans les quartiers sondés, quatre mois après l’adoption d’une taxe de 0,01 $ l’once [26]. Au Mexique, l’achat de ces boissons a chuté de 9 % à 17 % un an après l’adoption d’un droit d’accise de un peso le litre (soit une hausse de prix de 10 %) [25].
Il n’existe toujours pas d’études sur les avantages directs d’une taxe sur les BSA pour la santé, mais une modélisation par simulation effectuée au Canada a prédit qu’un droit d’accise ciblé de 20 % pourrait prévenir 12 000 cas de cancer, plus de 30 000 cas de cardiopathie ischémique, près de 5 000 accidents vasculaires cérébraux et près de 1 400 000 cas de diabète de type 2 sur la période de 25 ans s’échelonnant entre 2016 et 2041 [19]. Même si ces projections reposent sur une modélisation et des hypothèses économiques, la taxation des BSA permettrait de réaliser des épargnes probablement substantielles sur les coûts en matière de santé au cours de cette même période [19].
Les revenus découlant des taxes sur les BSA devraient être orientés vers le financement de programmes – nouveaux ou déjà en place – pour une vie saine et active (p. ex., pour subventionner les fruits et légumes en cas de besoin, améliorer l’accès aux possibilités d’activité physique et soutenir les programmes de littératie alimentaire). Il est démontré que la subvention des fruits et des légumes en accroît la consommation [16][23]. De plus, la baisse de prix des fruits et des légumes s’associe à une réduction du poids corporel des enfants de ménages à faible revenu [22].
Une étude réalisée aux États-Unis a fait appel à des ensembles de données nationales pour évaluer les conséquences économiques de la taxation des BSA. Les résultats ont révélé que les personnes à faible revenu paieraient légèrement plus de taxes annuelles sur les BSA que celles à revenu plus élevé à cause de leur consommation de base plus importante, mais que cette différence serait négligeable (un peu plus d’un dollar américain par année) [31]. Même si ce type de taxe peut être considéré comme régressif, les études ont établi que son effet est progressif, tout comme ses avantages sur la santé [32][33]. L’équité fiscale serait mieux assurée si les revenus tirés de la taxe sur les BSA étaient consacrés au financement d’initiatives pour les populations défavorisées [33]. Pour optimiser l’efficacité d’une telle taxe, il faudrait l’intégrer à des stratégies plus vastes pour améliorer l’alimentation, réduire la pauvreté et faire progresser l’état de santé global des Canadiens [34]. Il est également recommandé d’évaluer une telle politique peu après son adoption, afin d’en confirmer l’efficacité et d’éviter des conséquences négatives sur les familles déjà aux prises avec l’insécurité alimentaire [35].
Recommandations
La Société canadienne de pédiatrie recommande l’application d’un droit d’accise d’au moins 20 % sur toutes les boissons contenant du sucre ajouté vendues au Canada, ce qui représenterait un pas dans la lutte contre le surpoids, l’obésité et les futures conséquences de ces affections sur la santé des jeunes. D’autres organismes canadiens appuient cette taxe, y compris Les diététistes du Canada [18], la Childhood Obesity Foundation [36], la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada [37] et Diabète Canada [38].
Les revenus découlant d’une taxe sur les boissons contenant du sucre ajouté doivent servir à accroître le financement des programmes pour une vie saine et active, y compris les initiatives pour subventionner les fruits et les légumes, l’amélioration de l’accès aux possibilités d’activité physique et les programmes de littératie alimentaire. Le public devrait être informé de la manière dont ces revenus seront distribués.
Il faudra évaluer rapidement les effets qu’un droit d’accise sur les boissons contenant du sucre ajouté aura sur la consommation, de même que les conséquences anticipées à long terme de ces politiques sur les statistiques en matière de surpoids et d’obésité, le taux de maladies chroniques liées à l’alimentation et le taux de caries dentaires. Il est également essentiel de s’attarder tout particulièrement aux répercussions possibles de cette politique sur les ménages aux prises avec l’insécurité alimentaire.
Remerciements
Le comité d’action pour les enfants et les adolescents de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent document de principes. La Société canadienne de pédiatrie tient également à remercier Les diététistes du Canada pour son apport à l’élaboration de ce document.
COMITÉ DE NUTRITION ET DE GASTROENTÉROLOGIE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE Membres : Linda M. Casey MD, Eddy Lau MD (représentant du conseil), Catherine M. Pound MD (présidente), Ana M. Sant’Anna MD, Pushpa Sathya MD, Christopher Tomlinson MB, ChB, Ph. D. Représentants : Becky Blair M. Sc. Dt.P., Les diététistes du Canada; Patricia D’Onghia MHP Dt.P., Santé Canada; Tanis R. Fenton Ph. D. Dt.P., Les diététistes du Canada; Laura Haiek, Comité canadien pour l’allaitement; Deborah Hayward, Bureau des sciences de la nutrition, Santé Canada; Sarah Lawrence MD, Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique Auteurs principaux: Catherine M. Pound MD, Jeffrey N. Critch MD, Paul Thiessen MD, Becky Blair M. Sc. Dt.P.
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.