Document de principes
Affichage : le 6 février 2015
Énoncé conjoint de la Société canadienne de pédiatrie et du Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique
Sarah E. Lawrence, MD, Elizabeth A. Cummings, MD, Danièle Pacaud, MD, Andrew Lynk, MD, Daniel L. Metzger, MD, SCP et Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique
Paediatr Child Health 2015;20(1):40-44.
Chez les enfants, la présence d’un diabète nécessitant l’insuline pour traitement est de plus en plus fréquente. De fait, il est fort probable que la majorité des écoles canadiennes ait au moins un élève touché par cette maladie. Le diabète et ses complications ont des répercussions personnelles, sociales et économiques majeures. Cependant, une meilleure maîtrise du diabète réduit les risques de complications à court et long terme. Il a été démontré qu’une prise en charge plus intensive du diabète – par une surveillance régulière de la glycémie, l’administration d’insuline par injection ou pompe à insuline et une attention particulière à l’alimentation et à l’activité physique – en facilite la maîtrise. Comme les enfants passent de 30 à 35 heures par semaine à l’école, il est essentiel pour leur santé que la prise en charge de leur diabète y soit efficace. La Société canadienne de pédiatrie et le Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique recommandent d’établir des normes minimales pancanadiennes de supervision et de soins pour aider les enfants et les adolescents atteints de diabète de type 1 dans les écoles. Ces recommandations ont été inspirées de lignes directrices de pratique clinique fondées sur des données probantes et de la contribution des cliniciens du domaine des soins en diabète pédiatrique de tout le Canada. Elles respectent les Guidelines for the Care of Students Living with Diabetes at School [lignes directrices pour les soins aux élèves diabétiques à l’école] de l’Association canadienne du diabète.
La Société canadienne de pédiatrie et le Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique sont préoccupés de la façon dont le diabète de type 1 (et d’autres formes de diabète nécessitant un traitement à l’insuline) est pris en charge dans les écoles. Le diabète est une maladie évolutive : puisque la glycémie peut changer d’une minute à l’autre, il est important que le personnel scolaire soit informé, équipé et disponible pour aider les élèves diabétiques. Il est de plus essentiel que le personnel participe aux soins pour préserver la santé à court et long terme des élèves diabétiques et optimiser leur rendement scolaire.
Les enfants et les adolescents passent généralement de 30 à 35 heures par semaine à l’école – près de la moitié de leurs heures d’éveil –, ce qui vient confirmer l’importance de veiller à ce que les élèves atteints du diabète soient en sécurité et conséquemment, que leur diabète soit bien pris en charge. Un enfant sur 300 est diabétique; la plupart des écoles compteront donc probablement au moins un élève diabétique à tout moment. Les membres du personnel scolaire peuvent être les premiers à observer des symptômes de diabète non diagnostiqué chez un enfant (soif démesurée, mictions excessives et perte de poids). La reconnaissance rapide des symptômes et une évaluation médicale précoce peuvent prévenir l’acidocétose diabétique (voir annexe), une complication qui peut mettre la vie en danger.[1]
L’aide offerte aux élèves diabétiques n’est pas uniforme au Canada. Des divergences persistent dans les ressources et les politiques, même dans les écoles d’une même province ou d’un même territoire.
L’objectif de cet énoncé conjoint est d’assurer un traitement sécuritaire et équitable aux élèves diabétiques grâce à une politique provinciale/territoriale exhaustive et uniforme. Ces recommandations s’adressent aux gouvernements provinciaux – plus particulièrement aux décideurs des ministères de la Santé et de l’Éducation – ainsi qu’aux conseils scolaires régionaux, aux administrateurs scolaires et aux enseignants. Il se veut aussi une ressource pour les enfants et les adolescents atteints du diabète, leurs parents ou leurs tuteurs.
Le diabète de type 1 apparaît généralement dans la tranche d’âge pédiatrique, ce qui en fait l’une des maladies chroniques les plus fréquentes chez les enfants. En 2008-2009, 3 287 nouveaux cas de diabète (type 1 et type 2) ont été rapportés chez des Canadiens âgés de 1 à 19 ans, ce qui porte le nombre total d’enfants et d’adolescents diabétiques à 25 693, soit une prévalence de 1 enfant sur 300.[2] Au Canada, comme dans d’autres régions du monde, l’incidence annuelle du diabète augmente régulièrement.[3]-[5] Les enfants de moins de cinq ans et les enfants des premières années du primaire correspondent au segment de la population où le nombre de cas de diabète de type 1 augmente le plus rapidement.[2][6]
Le diabète de type 1 est associé à des risques de complications à la fois à court terme (hyperglycémie, hypoglycémie [voir annexe]) et à long terme (crise cardiaque, accident vasculaire cérébral, amputation, insuffisance rénale, cécité, difficultés d’apprentissage). Le diabète et ses complications représentent un fardeau économique considérable au Canada[7]. Une meilleure maîtrise de la glycémie réduit l’apparition et la progression des complications liées au diabète chez les enfants et les adolescents atteints de diabète de type 1.[8]-[10] Ainsi, une maîtrise optimale du diabète est primordiale pour les personnes atteintes ainsi que pour la société.
La prise en charge du diabète demande d’être attentif à l’alimentation et à l’activité physique, de surveiller régulièrement la glycémie et d’administrer la juste dose d’insuline. Pour les enfants, il est recommandé de mesurer la glycémie au moins quatre fois par jour (avant chaque repas et à l’heure du coucher); des vérifications plus fréquentes sont optimales pour tous et nécessaires pour certains. Certains enfants utilisent un système de surveillance du glucose en continu ou SGC (voir annexe), qui mesure la glycémie automatiquement toutes les cinq minutes.
Un plus grand nombre d’injections par jour permet d’améliorer la maîtrise du diabète; elle peut généralement être optimisée par des injections quotidiennes multiples (IQM) ou une pompe à insuline. Les IQM consistent en une dose de base d’insuline à action prolongée, combinée à des injections d’insuline à action rapide lors de chaque repas ou collation (de 4 à 6 injections par jour). Les utilisateurs de la pompe à insuline portent un appareil qui injecte une dose de base d’insuline en continu, et ils doivent s’administrer un bolus d’insuline à l’aide de la pompe avant de manger. La quantité d’insuline est calculée en fonction de la glycémie, de la quantité de glucides contenue dans le repas ou la collation et des activités physiques prévues.
L’activité physique est un élément important de la maîtrise de la glycémie. Les enfants atteints du diabète devraient être encouragés à être physiquement actifs et participer à toutes les activités régulières de l’école. Cependant, comme elle augmente l’efficacité de l’absorption du glucose par les muscles et les autres tissus, l’activité physique peut causer une hypoglycémie. Conséquemment, la surveillance de l’alimentation et de la glycémie est d’autant plus importante en période d’activité physique. Les parents doivent être mis au courant des changements prévus à la routine d’activité physique de l’école pour qu’ils puissent alors ajuster la dose d’insuline et le menu de l’enfant afin de prévenir l’hypoglycémie et l’hyperglycémie. Par ailleurs, les enfants et les adolescents risquent l’hypoglycémie s’ils ne mangent pas leur repas ou leur collation en entier.
Au fil du temps, l’hyperglycémie et l’hypoglycémie peuvent avoir des effets négatifs sur l’apprentissage scolaire :[5][11]-[14]
• L’hypoglycémie peut s’installer rapidement en quelques minutes et influencer la concentration, les fonctions cognitives et le comportement.. S’ils sont détectés rapidement, la plupart des épisodes d’hypoglycémie peuvent être traités facilement par l’ingestion d’une source de sucre à action rapide. Après le traitement de l’hypoglycémie, les effets directs sur les fonctions intellectuelles peuvent prendre jusqu’à 45 minutes à se dissiper.[15] Si l’hypoglycémie a lieu durant un examen ou un test, l’élève peut avoir besoin d’accommodements particuliers pour terminer la tâche.
• Le consensus est que les effets aigus de l’hyperglycémie (glycémie >15 mmol/L) se présentent uniquement lorsqu’elle est prolongée et accompagnée de symptômes (p. ex., fièvre ou vomissements). Les accommodements pour l’hyperglycémie durant les examens, les tests et les évaluations devraient donc être semblables à ceux qui sont prévus pour toute autre maladie aiguë. De nouvelles données probantes associent toutefois l’hyperglycémie à un ralentissement du rendement cognitif durant les évaluations, produisant plus d’erreurs et causant des réactions plus lentes lors d’activités scolaires telles que les mathématiques et les tâches verbales de base. Les effets de l’hyperglycémie varient beaucoup d’une personne à l’autre et touchent environ 50 % des personnes évaluées. L’hyperglycémie aiguë n’est donc pas anodine pour un grand nombre d’enfants atteints du diabète.[16]
Selon la Charte canadienne des droits et libertés, tous les citoyens, y compris les personnes ayant des déficiences, ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi sans discrimination.[17] En mars 2010, le Parlement du Canada a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. Toutes les provinces et tous les territoires sont maintenant liés par la convention qui, entre autres droits, les oblige à veiller à ce que « des mesures d’accompagnement individualisé efficaces soient prises dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation, conformément à l’objectif de pleine intégration ».[18] Légalement, les écoles doivent offrir des accommodements raisonnables aux enfants ayant des besoins particuliers, ce qui inclut les élèves diabétiques.
Conformément au droit à l’éducation, les écoles doivent aussi réduire au minimum les obstacles qui empêchent les enfants de bénéficier de la meilleure expérience d’apprentissage possible. L’Association canadienne du diabète a élaboré les Guidelines for the Care of Students Living with Diabetes at School [lignes directrices pour les soins aux élèves diabétiques à l’école][19], mais la plupart des provinces et des territoires n’ont pas intégré lesdites recommandations dans leurs politiques. L’aide reçue par les enfants et les adolescents dépend du lieu où ils vivent, de l’école qu’ils fréquentent et souvent des efforts déployés par leur famille pour la défense de leurs droits.[20] Par exemple, la Colombie-Britannique a récemment établi des normes provinciales qui permettent au personnel scolaire formé et non autorisé (c.-à-d. non réglementé par un ordre professionnel en santé) d’administrer de l’insuline et du glucagon.[21] Pourtant, dans de nombreuses autres écoles canadiennes, les enfants n’ont que peu d’aide – voire aucune – pour la surveillance de leur glycémie ou d’autres tâches importantes dans la prise en charge de leur diabète. Les enfants atteints du diabète sont parfois refusés dans des services de garde ou des activités parascolaires.[22]
L’aide aux élèves atteints de diabète de type 1 doit être personnalisée et se conformer au principe directeur d’un traitement « seulement aussi spécial que nécessaire ». Ce principe d’intégration favorise la dignité personnelle, l’indépendance et l’autogestion du diabète, selon l’âge et le stade de développement de l’élève.
L’hypoglycémie légère ou modérée requiert une intervention immédiate pour prévenir l’hypoglycémie grave, qui peut causer des pertes de conscience ou des convulsions. La prévention et le traitement de l’hypoglycémie comprennent plusieurs éléments :
En cas d’hypoglycémie soupçonnée ou confirmée, l’élève ne peut pas être laissé seul tant que cet épisode n’a pas été pris en charge et résolu de façon appropriée.
Les obstacles potentiels à la prise en charge sécuritaire et efficace de l’hypoglycémie à l’école comprennent entre autres :
L’aide en milieu scolaire est importante pour la sécurité et l’intégration de tous les enfants. Elle est également importante pour la santé mentale et le bien-être des familles touchées par le diabète. La réduction au minimum des absences scolaires évitables est une autre priorité pour les enfants et les parents. L’absentéisme n’est pas beaucoup plus élevé chez les enfants atteints du diabète que chez les autres enfants, à l’exception des absences pour les rendez-vous médicaux réguliers.[23] Notons toutefois que les écoles qui utilisent des programmes basés sur la participation peuvent involontairement punir ou discriminer les élèves atteints du diabète. Toute politique ou pratique qui fait pression sur les élèves pour qu’ils manquent leurs rendez-vous médicaux peut nuire à leur bien-être et involontairement les décourager de prendre soin de leur santé.
Il existe plusieurs obstacles potentiels à la prise en charge optimale et sécuritaire du diabète à l’école. Les jeunes enfants qui ne peuvent pas accomplir leurs tâches quotidiennes ni prendre des décisions liées au diabète sans aide ne peuvent pas toujours bénéficier des IQM ou d’une pompe à insuline lorsqu’elles sont indiquées. Il arrive aussi que leurs parents doivent quitter leur emploi pour pouvoir s’occuper de leurs besoins liés au diabète lorsqu’ils sont à l’école. Si l’aide offerte à l’école est limitée, les enfants peuvent initialement être traités à l’aide de 2 ou 3 injections d’insuline par jour pour éviter d’avoir besoin d’une injection au moment du dîner.
Les soins quotidiens aux élèves diabétiques ne requièrent pas la présence continue d’un professionnel de la santé à l’école. Chaque jour, des équipes d’éducation sur le diabète enseignent aux patients, aux familles et aux autres personnes responsables des soins de l’enfant à surveiller la glycémie, à administrer de l’insuline par injection ou par une pompe, à reconnaître et à traiter l’hypoglycémie et à superviser les repas et les collations. Une meilleure compréhension du diabète est certainement nécessaire pour permettre aux personnes responsables de bien prendre en charge cette maladie, et on ne peut s’attendre à ce niveau de soins à l’école. Par contre, il est normal de s’attendre à ce que l’école offre des soins de base pour assurer la sécurité de l’enfant et accomplir les tâches habituelles de prise en charge du diabète, fournis par du personnel scolaire formé. Les employés des écoles doivent savoir qu’ils ne seront pas considérés responsables s’ils prennent des mesures raisonnables pour aider un élève diabétique en situation d’urgence.[19]
Lorsqu’un élève est diabétique, il est important que l’école soit au courant, pour deux raisons :
1. Le personnel de l’école doit recevoir une formation initiale et des mises à jour périodiques sur le diabète chez les enfants en général.
2. Le personnel de l’école doit avoir en main un plan de soins personnalisé adapté aux besoins de l’élève.
Il est important d’assurer l’uniformité de l’information donnée aux écoles. Lorsqu’une famille reçoit un diagnostic de diabète pour leur enfant, elle est souvent inondée par l’information et doit en plus s’adapter à cette nouvelle réalité. Ce n’est donc pas le moment idéal pour que les parents éduquent le personnel scolaire sur le diabète. Quant aux éducateurs sur le diabète, ils ont les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour fournir cette information, mais ils n’ont généralement pas le temps de le faire dans chaque école. Les autorités sanitaires régionales ou provinciales doivent donc trouver des processus efficaces pour que le personnel soit informé et éduqué promptement, que les ressources nécessaires pour informer les écoles soient disponibles et que l’information dispensée soit spécifique à la prise en charge du diabète de type 1 chez les enfants (p. ex., ressources en ligne et infirmières communautaires). En somme, il sera important de travailler à la mise en place de ressources nationales communes.
Chaque année, les écoles doivent recevoir une mise à jour verbale et écrite à propos des exigences de soins du diabète à l’école pour l’enfant. Les parents peuvent remplir des formulaires d’information avec ou sans l’aide de leur équipe de suivi du diabète. Selon les circonstances, une rencontre virtuelle ou en personne entre l’enfant, les parents, l’équipe de suivi du diabète et le personnel scolaire peut aider à clarifier les exigences de soins et les rôles. Certains conseils scolaires emploient une infirmière de liaison dédiée aux soins des maladies chroniques et considèrent ce poste très utile pour la prise en charge du diabète dans les écoles. De plus, les parents sont souvent capables de fournir de l’information et des ressources sans l’aide d’un professionnel de la santé.
La Société canadienne de pédiatrie et le Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique recommandent d’établir des normes minimales de supervision et de soins pancanadiennes pour aider les enfants et les adolescents atteints de diabète de type 1 dans les écoles. Ces recommandations ont été inspirées de lignes directrices de pratique clinique fondées sur des données probantes[11][24][25] et de la contribution des cliniciens du domaine des soins en diabète pédiatrique de tout le Canada. Elles respectent les Guidelines for the Care of Students Living with Diabetes at School [lignes directrices pour les soins aux élèves diabétiques à l’école] de l’Association canadienne du diabète.[19]
Les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient établir des politiques complètes qui comprennent les éléments suivants :
Il existe de nombreuses ressources d’excellente qualité pour aider le personnel scolaire à se familiariser avec la prise en charge du diabète, notamment :
Le présent énoncé a été révisé par les comités de la santé de l’adolescent et de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie et par les membres du Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique.
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 1 octobre 2024