Un port d’attache pour les pédiatres. Une voix pour les enfants.
Document de principes
Une approche d’affirmation pour les soins aux jeunes transgenres et de diverses identités de genre
Affichage : le 20 juin 2023
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Un nombre croissant de jeunes s’identifient comme transgenres ou de diverses identités de genre. De nombreux pédiatres et dispensateurs de soins de première ligne accueilleront cette population dans leur pratique, soit dans le cadre de soins liés au genre ou de soins de santé généraux. Le présent document de principes se veut une ressource pour orienter les pédiatres et les dispensateurs de soins de première ligne à adopter une approche d’affirmation pour la prestation des soins réguliers à tous les jeunes. De plus, il contient de l’information visant à aider les dispensateurs à répondre aux demandes de conseils des jeunes transgenres et de diverses identités de genre et de leur famille au sujet des possibilités de transition médicale et d’orientation vers des services spécialisés s’ils le désirent et le jugent pertinent. Enfin, on anticipe que la demande de soins d’affirmation de genre continue d’augmenter, et certains dispensateurs de soins peuvent souhaiter acquérir les connaissances et les habiletés nécessaires pour amorcer les inhibiteurs d’hormones et les hormones d’affirmation de genre chez les adolescents. Le présent document ne contient pas de directives cliniques, mais de l’information fondamentale au sujet des divers éléments possibles des soins d’affirmation de genre, tout en reconnaissant que les besoins et les objectifs d’adolescents particuliers n’incluent pas automatiquement de telles interventions. D’autres ressources permettant d’acquérir les compétences nécessaires pour offrir des interventions d’affirmation de genre sont également proposées.
Mots-clés :adolescent; diversité de genre; hormones; jeune; pédiatrie; santé; transgenre
Introduction
Les pédiatres et les autres dispensateurs de soins de première ligne sont en position idéale pour soutenir les enfants et les adolescents tout au long des processus de développement qui contribuent à former l’identité. L’identité de genre, un aspect essentiel de la conscience de soi, se manifeste d’abord pendant la petite enfance et évolue au cours de la vie de l’enfant, puis de l’adolescent[1][2]. Selon de récentes études, un nombre croissant de jeunes s’identifie à un genre différent du sexe qui leur a été assigné à la naissance, et les demandes et les besoins de soins liés au genre augmentent au sein du système de santé pédiatrique[3]-[10]. Les pédiatres et les dispensateurs de soins de première ligne peuvent être les premiers professionnels auprès de qui les jeunes transgenres et de diverses identités de genre (TDIG) vont chercher du soutien[11]. Cependant, dans bien des cas, les dispensateurs de soins ne possèdent pas les connaissances, la formation, ni l’aisance pour s’occuper de cette population[12][13]. Le présent document de principes examine les occasions de fournir des soins d’affirmation solidaires, inclusifs et exempts de jugement aux jeunes de toutes les identités de genre au sein du système de santé.
Terminologie
S’ils connaissent les termes courants et appropriés à utiliser dans le cadre des soins aux jeunes TDIG, les dispensateurs de soins pourront mieux cultiver un environnement clinique d’affirmation et de soutien[14] (tableau 1).
Tableau 1.Les termes importants liés aux soins d’affirmation de genre
Terme
Définition
Bispirituel·le
Désignant une personne qui incarne à la fois un esprit masculin et féminin, ce terme, utilisé par certaines communautés autochtones, peut englober une identité culturelle, spirituelle, sexuelle ou de genre.
Chirurgies d’affirmation de genre
Également appelées « chirurgies de transition » ou « chirurgies de confirmation de genre ». Ce terme désigne un éventail d’interventions chirurgicales offertes dans le cadre d’une transition.
Cisgenre
Personnes dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.
Diversité de genre
Terme large qui décrit les personnes dont l’expression ou l’identité de genre diffère du sexe qui leur a été assigné à la naissance. Reconnaît et inclut la vaste diversité des identités de genre existantes. Remplace des termes comme non-conformité de genre, incongruence de genre et variance de genre, qui ont tous une connotation de pathologisation ou d’exclusion[14]. Les personnes transgenres ne s’identifient pas toutes à ce terme.
Dysphorie de genre
Désigne la détresse découlant de l’incongruence entre l’identité de genre ressentie et le sexe assigné à la naissance. La dysphorie de genre est un diagnostic officiel du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition (DSM-5). Les définitions officielles de la version française du DSM-5 (et non du DSM-5-TR, disponibles seulement en anglais) sont utilisées dans le présent document de principes, car la version française n’a pas encore été mise à jour au moment de la publication.
Expression de genre
Manière d’afficher son genre par des caractéristiques externes, telles que l’habillement, l’apparence ou les attitudes, qui reflète ou non l’identité de genre.
Femme transgenre, fille transgenre, femme trans, fille trans
Termes qui décrivent une personne qui s’est vu assigner le sexe masculin à la naissance, mais qui s’identifie dans le spectre féminin.
GnRHa
Analogue pharmacologique à longue durée d’action de l’hormone naturelle de libération des gonadotrophines, prescrit pour inhiber la production des gonadotrophines hypophysaires (hormone lutéinisante [LH] et hormone folliculostimulante [FSH]), qui inhibe donc la production gonadique des stéroïdes sexuels (la testostérone ou l’œstrogène).
Homme transgenre, garçon transgenre, homme trans, garçon trans
Termes qui décrivent une personne qui s’est vu assigner le sexe féminin à la naissance, mais qui s’identifie dans le spectre masculin.
HTAG
Hormones prescrites pour induire l’apparition de caractéristiques sexuelles secondaires associées à l’identité de genre ressentie : la testostérone chez les personnes qui désirent acquérir des caractéristiques masculines, et le 17β-estradiol pour celles qui désirent acquérir des caractéristiques féminines.
Identité de genre
Également désigné « genre exprimé » ou « genre affirmé », il s’agit de la perception personnelle interne et psychologique à l’égard de son propre genre.
Incongruence de genre
Désigne une expérience marquée et persistante d’incompatibilité entre l’identité de genre et le sexe assigné à la naissance. L’incongruence de genre est un terme diagnostique utilisé dans la Classification internationale des maladies, Onzième révision (CIM-11). Ce terme doit être réservé aux contextes médicaux.
Non binaire
Identité de genre qui n’est ni exclusivement masculine ni exclusivement féminine.
Sexe assigné à la naissance, sexe masculin assigné à la naissance, sexe féminin assigné à la naissance
Désigne l’attribution initiale du sexe masculin (sexe masculin assigné à la naissance) ou du sexe féminin (sexe féminin assigné à la naissance) à la naissance, d’après les organes génitaux et les autres caractéristiques sexuelles physiques visibles.
Soins d’affirmation de genre
Soins médicaux, chirurgicaux, sociaux ou psychologiques, prodigués séparément ou en combinaison pour soutenir l’identité de genre.
Transgenre
Terme parapluie qui décrit toutes les personnes dont l’identité de genre diffère du sexe qui leur a été assigné à la naissance et de leurs caractéristiques sexuelles physiques. Les personnes de diverses identités de genre ne s’identifient pas toutes à ce terme.
Transition médicale
Processus de traitements médicaux pour faire correspondre les caractéristiques physiques à l’identité de genre (p. ex., utilisation d’inhibiteurs d’hormones ou d’hormones d’affirmation de genre).
Transition sociale
Processus d’extériorisation de l’identité de genre par des mesures comme changer son nom, ses pronoms ou son expression de genre (p. ex., habillement, style de coiffure).
FSH hormone folliculostimulante; GnRHa agoniste de l’hormone de libération des gonadotrophines; HTAG hormonothérapie d’affirmation de genre; LH hormone lutéinisante
*Il est à souligner que la terminologie évoluera à coup sûr au fil du temps.
La cognition du genre émerge tôt. À l’âge de deux ans, les enfants sont souvent en mesure d’identifier les différences entre les sexes et à l’âge de trois ans, la plupart peuvent nommer facilement leur propre genre[1]. Pendant la période préscolaire (de trois à cinq ans), les enfants prennent conscience de la stabilité de genre, c’est-à-dire la notion selon laquelle le genre demeure stable tout au long de la vie[15]. Les enfants d’âge préscolaire ne perçoivent toutefois généralement pas le genre comme une identité, mais l’attribuent surtout (et d’abord) à des caractéristiques externes et à des apparences[16]. Ils sont extrêmement attentifs aux rôles et comportements liés au genre, se conforment souvent de près aux personnes du même genre qu’eux et expriment leurs préférences pour les jouets ou les activités associés aux stéréotypes de leur genre[17]. À cet âge et à cette étape du développement, l’expression d’un comportement qui n’est pas caractéristique du genre ne reflète pas nécessairement une identité de genre différente du sexe assigné à la naissance[18]. Il faut encourager les parents à fournir un environnement où leurs jeunes enfants pourront explorer le genre en toute sécurité, sans présumer de leur future identité de genre[19].
À l’âge de six à sept ans, les enfants commencent à prendre conscience du genre comme d’une identité indépendante des caractéristiques externes. Ils peuvent commencer à réduire leurs expressions de genre externes ou stéréotypées, même s’ils continuent souvent de démontrer leur affinité pour des camarades du même genre qu’eux et pour des jouets et des vêtements associés à leur genre jusqu’à la phase intermédiaire de l’enfance[1][16]. Lorsqu’ils arrivent à la fin de l’enfance et passent à l’adolescence, ils commencent à avoir une appréciation plus raffinée de l’identité de genre, et le début de la puberté est une période particulièrement marquante, qui peut déclencher une réflexion plus profonde sur la concordance de leur assignation de genre avec leur identité de genre ressentie[20].
La plupart des recherches sur le développement de l’identité de genre ont porté sur des enfants cisgenres, selon un point de vue blanc et eurocentrique. La trajectoire de développement des enfants qui ne s’identifient pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance est un pôle actif de la recherche scientifique, et les caractérisations des identités de genre en fonction des cultures et des ethnies ne font que commencer à être reconnues dans les publications scientifiques dominantes. Selon des recherches récentes, dès l’âge de deux à trois ans, certains enfants peuvent ressentir un certain décalage entre leur identité de genre et le sexe qui leur a été assigné à la naissance[2][16]. À l’instar de leurs homologues cisgenres, les enfants d’âge scolaire TDIG peuvent avoir un solide sens de leur identité de genre et une préférence pour des camarades du genre auquel ils s’identifient, ainsi que pour les objets qu’ils approuvent et les activités qu’ils pratiquent[1][17][21]. Pour d’autres, l’éveil à une différence entre l’assignation de genre et l’identité de genre ressentie ne se manifeste pas avant la puberté, ou même plus tard[2][22]-[24]. Même si les conceptualisations actuelles du genre sont souvent catégoriques – c’est-à-dire binaires (masculin en opposition à féminin) et fixes au fil du temps –, les études théoriques et empiriques émergentes qui font appel à des construits multidimensionnels et dynamiques du genre adoptent des points de vue plus nuancés sur cette question, tout au long de la vie[2][25][26].
Un portrait des jeunes transgenres et de diverses identités de genre
Un nombre croissant de jeunes se disent d’une identité de genre différente du sexe qui leur a été assigné à la naissance. Selon des études en population menées dans certains pays à revenu élevé, de 1 % à 4 % de la population d’adolescents s’identifient comme transgenres[27]-[32]. Dans une récente étude sur l’identité de genre ne mentionnant pas le terme « transgenre » menée auprès de jeunes qui fréquentaient l’école, 9,2 % des répondants ont déclaré ressentir une différence entre le sexe qui leur avait été assigné à la naissance et le genre auquel ils s’identifiaient[33].
Les jeunes TDIG courent un risque élevé de conséquences indésirables sur leur santé, y compris la dépression, l’anxiété, les troubles des conduites alimentaires, les blessures auto-infligées et le suicide[34]-[45]. On croit que ce risque élevé est en partie attribuable au « stress de la minorité » qui désigne les facteurs de stress distincts et chroniques que ressentent les minorités à l’égard de la stigmatisation de leur identité, y compris la victimisation, les préjudices et la discrimination[46]-[48]. Dans la logique de cette théorie, les jeunes Canadiens TDIG signalent des taux élevés d’exposition au harcèlement et à la violence[49][50]. Le risque peut être atténué par des expériences et des environnements d’affirmation, tels que des parents bienveillants, une transition sociale précoce chez les jeunes qui en expriment le désir et des interactions inclusives et exemptes de jugement avec le système de santé[51]-[59].
La dysphorie de genre
Le terme « dysphorie de genre » est souvent utilisé dans un sens descriptif, pour caractériser la détresse importante qui peut être ressentie lorsque l’identité de genre ressentie ne correspond pas au sexe assigné à la naissance. Sur le plan clinique, le DSM-5 expose les critères diagnostiques de la dysphorie de genre chez les enfants (tableau 2) et chez les adolescents et les adultes (tableau 3)[60]. L’inclusion de la dysphorie de genre dans le DSM-5 fait l’objet d’une controverse constante. Certains soutiennent que l’inclusion de ce terme favorise une vision binaire du genre et pathologise la diversité de genre de manière à perpétuer la stigmatisation. D’autres prétendent que son inclusion encourage l’accès à des services appropriés[60][61]. La 8e version des normes de soins de la World Professional Association for Transgender Health (WPATH SOC-8) préconise que, lorsqu’un diagnostic doit être posé pour faciliter l’accès aux soins, le diagnostic d’« incongruence de genre » figurant dans la Classification internationale des maladies, Onzième révision (CIM-11) soit préféré si celle-ci est utilisée dans la région sociosanitaire en cause. Ce diagnostic ne requiert pas l’expression d’un sentiment de détresse vis-à-vis de la diversité de genre et est donc considéré comme moins pathologisant[62][63]. À l’heure actuelle, l’utilisation de la CIM-11 n’est toutefois pas généralisée au Canada. L’utilité d’un diagnostic de dysphorie de genre ou d’incongruence de genre chez les jeunes enfants est particulièrement litigieuse, car les enfants en phase prépubertaire qui expriment une diversité de genre ne vivront peut-être plus la même expérience à l’adolescence, et les interventions médicales ne sont pas recommandées auprès d’eux[2][20][64][65].
Lorsqu’un adolescent exprime des préoccupations en matière de dysphorie de genre, il faut s’assurer de favoriser un accès rapide à des mesures de soutien psychosocial et à une évaluation diagnostique appropriées. Dans de nombreuses régions sociosanitaires, un diagnostic officiel de dysphorie de genre doit être posé pour permettre un traitement médical d’affirmation de genre. Un âge plus jeune et une phase pubertaire plus précoce au moment de la consultation en vue d’obtenir des soins d’affirmation de genre sont associés à de plus faibles taux de troubles de santé mentale[45][66]. Les personnes qui obtiennent un diagnostic de dysphorie de genre devraient être rassurées par l’explication que ce diagnostic n’est pas indicateur d’une identité de genre « pathologique », mais qu’il caractérise la détresse découlant de la non-conformité du sexe qui leur a été assigné à la naissance avec le genre auquel ils s’identifient[2][61]. Les efforts concertés pour modifier l’identité de genre d’un jeune, parfois qualifiés de « thérapie de conversion » ou de « thérapie réparatrice », sont néfastes et contraires à l’éthique; ils ne devraient pas être entrepris[58][61][62].
Tableau 2. Les critères diagnostiques de la dysphorie de genre chez les enfants
Critères diagnostiques
Dysphorie de genre chez les enfants
Non-congruence marquée entre le genre vécu/exprimé par la personne et le genre assigné, d’une durée minimale de six mois, se manifestant par au moins six des items suivants (le critère A1 en faisant obligatoirement partie) :
Désir marqué d’appartenir à l’autre genre, ou insistance du sujet sur le fait qu’il est de l’autre genre (ou d’un genre différent que celui qui lui a été assigné).
Chez les garçons (genre assigné), forte préférence pour le style vestimentaire opposé ou pour le travestissement en femme, ou chez les filles (genre assigné), préférence marquée pour le port exclusif de vêtements masculins et forte opposition au port de vêtements typiquement féminins.
Dans les jeux de « faire semblant » ou dans les jeux de fantaisie, forte préférence pour incarner l’autre sexe.
Forte préférence pour les jouets, jeux ou activités typiquement de l’autre sexe.
Préférence marquée pour les camarades de l’autre sexe.
Chez les garçons (genre assigné), fort rejet des jouets, des jeux ou des activités typiquement masculins et évitement marqué des jeux de bagarre, ou chez les filles (genre assigné), fort rejet des jouets, des jeux ou des activités typiquement féminins.
Forte aversion pour sa propre anatomie sexuelle.
Désir marqué d’avoir des caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires qui correspondent au genre que le sujet vit comme sien.
Le trouble est accompagné d’une détresse cliniquement significative ou d’une altération du fonctionnement social, scolaire ou dans d’autres domaines importants.
Référence 60
Tableau 3. Les critères diagnostiques de la dysphorie de genre chez les adolescents et les adultes
Dysphorie de genre chez les adolescents et les adultes
Non-congruence marquée entre le genre vécu/exprimé par la personne et le genre assigné, d’une durée minimale de six mois, se manifestant par au moins deux des items suivants :
Non-congruence marquée entre le genre vécu/exprimé par la personne et ses caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires (ou chez les jeunes adolescents, avec les caractéristiques sexuelles secondaires attendues).
Désir marqué d’être débarrassé(e) de ses caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires en raison d’une incompatibilité entre le genre vécu/exprimé (ou chez les jeunes adolescents, fort désir d’empêcher le développement des caractéristiques sexuelles attendues).
Désir marqué d’avoir les caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires de l’autre sexe.
Désir marqué d’appartenir à l’autre genre (ou d’un genre différent de celui qui lui est assigné).
Désir marqué d’être traité(e) comme une personne de l’autre genre (ou d’un genre différent de celui qui lui est assigné).
Conviction marquée d’avoir les sentiments et les réactions de l’autre genre (ou d’un genre différent de celui qui lui est assigné).
Le trouble est accompagné d’une détresse cliniquement significative ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
Référence 60
Des stratégies pour fournir une expérience de soins d’affirmation de genre
Des approches d’inclusion et d’affirmation pour assurer la participation des jeunes aux soins favorisent la sécurité de tous les adolescents et peuvent être particulièrement percutantes pour les jeunes ayant de multiples identités marginalisées sur le plan structurel (p. ex., les adolescents noirs ou autochtones)[67]. Il est important de prêter attention à la fois aux aspects environnemental et interpersonnel des rencontres médicales, notamment un lieu clinique accueillant, un langage d’affirmation et des soins orientés vers l’adolescent (tableau 4)[35][59][68]-[82].
Tableau 4.Des stratégies pour fournir une expérience de soins d’affirmation de genre
Objectif
Stratégies
Concevoir un lieu d’affirmation
Afficher un énoncé de mission de la clinique qui expose clairement l’engagement pour des soins inclusifs.
Dans la salle d’attente, apposer des affiches représentant des jeunes de diverses expressions de genre[69][70].
S’assurer que tous les formulaires d’admission et les questionnaires permettent de donner des réponses respectueuses de la diversité aux questions démographiques[69][70].
S’assurer que tout le personnel médical se présente par son nom et ses pronoms[71].
Employer un langage inclusif
Tenir compte de la diversité dans le vocabulaire utilisé dans les formulaires d’admission standards[69][72].
Fournir l’occasion aux adolescents d’utiliser le nom et les pronoms qui correspondent le mieux à leur expérience et leur identité et leur proposer d’inclure les pronoms et le nom qu’ils préfèrent dans leur dossier de santé[69][73]-[75].
Utiliser systématiquement le nom et les pronoms que préfère l’adolescent[68][69].
Former l’ensemble du personnel pour qu’il utilise un langage inclusif pour interagir avec les jeunes[76].
Formuler les questions de l’anamnèse dans un langage neutre afin d’éviter les présomptions (p. ex., Qui sont les membres de ta famille? plutôt que Habites-tu avec ta mère et ton père?).
Éviter les étiquettes, mais se concentrer sur les expériences (p. ex., Entretiens-tu une relation amoureuse? plutôt que As-tu un amoureux ou une amoureuse?)[35][68].
S’informer du langage à privilégier (p. ex., Quels pronoms aimerais-tu que j’utilise pour te parler? plutôt que T’identifies-tu comme un garçon, une fille ou une personne non binaire?).
Utiliser un langage neutre pendant l’examen physique (p. ex., torse plutôt que seins, organes génitaux plutôt que pénis ou vagin)[77][78].
En cas d’erreur de langage, remercier le jeune de l’avoir soulignée, s’excuser et se corriger.
Fournir des soins orientés vers l’adolescent
Faire collaborer le jeune à tous les aspects de ses soins.
Reconnaître les intersections particulières entre la santé de l’adolescent et ses expériences de vie[79][80].
Garantir la confidentialité, mais en expliquer aussi les limites à l’adolescent et aux parents ou aux proches concernés[35][69].
Réserver une partie de chaque rendez-vous à une rencontre individuelle avec l’adolescent, hors de la présence du parent ou du proche qui l’accompagne[81]
Dans la mesure du possible, appuyer les efforts pour renforcer la relation entre les parents et leur adolescen[59][82].
Grâce à une approche respectueuse et collaborative avec l’adolescent, les compétences médicales du professionnel de la santé seront perçues comme complémentaires, et non comme supérieures à celles de l’adolescent à l’égard de sa propre expérience de vie. Pour favoriser l’autoefficacité, l’autonomie et l’autoréflexion, le professionnel de la santé doit reconnaître les aptitudes de l’adolescent et en tirer parti[83]. Il ne doit jamais adopter une approche d’affirmation prescriptive, mais plutôt aider l’adolescent à déterminer la trajectoire qui correspond le mieux à ses objectifs, ainsi qu’à progresser dans cette trajectoire[30] par une autoexploration facilitée et une prise de décision conjointe[83]. S’il recourt à des stratégies d’entrevue motivationnelle qui reposent sur les forces, les questions ouvertes et les réponses réfléchies et intéressées aux énoncés, il peut promouvoir l’exploration collaborative des motivations et des objectifs de l’adolescent. Cette approche facilite aussi l’évaluation de l’aptitude de l’adolescent à prendre des décisions thérapeutiques. Il est essentiel de tenir compte de l’autonomie émergente de l’adolescent, mais il faut également souligner l’importance de membres de la famille ou de tuteurs bienveillants dans la vie de l’adolescent. Il est démontré que la santé mentale des jeunes TDIG soutenus par leurs parents évolue de manière beaucoup plus positive, y compris un risque de suicide plus faible[59][82]. Dans la mesure du possible, il faut s’efforcer de renforcer la relation entre les parents et leur adolescent.
Reconnaître le contexte psychosocial
Pendant la partie individuelle de chaque rendez-vous, il est bon d’envisager d’explorer les expériences de l’adolescent à l’aide de l’outil d’entrevue psychosociale HEEADSSS[84]. Une question relative à l’identité de genre doit être posée à tous les jeunes, et peut être formulée simplement comme suit : Comment décris-tu ton identité de genre? Chez les jeunes TDIG, d’autres questions abordant l’influence ou les effets éventuels de leur identité de genre sur leurs expériences des divers secteurs psychosociaux doivent être intégrées à l’évaluation HEEADSSS (tableau 5). En cas d’inquiétude, une évaluation plus approfondie et d’autres ressources pourraient être nécessaires pour assurer une trajectoire de soins complète et sécuritaire.
Tableau 5. Exemples de questions HEEADSSS auprès des jeunes transgenres ou de diverses identités de genre
Domain
Question
Domicile(Home)
Tes parents ou tes tuteurs appuient-ils ton identité de genre et y participent-ils?
Les personnes qui vivent avec toi utilisent-elles les pronoms appropriés?
As-tu l’impression de pouvoir exprimer ton identité de genre en toute sécurité à la maison?
Éducation et emploi
Peux-tu exprimer ton genre en toute sécurité à l’école ou au travail?
As-tu accès à une toilette qui te convient à l’école ou au travail?
Alimentation(Eating)
T’arrive-t-il de restreindre ou d’accroître ta consommation d’aliments pour modifier ton apparence corporelle afin de mieux correspondre à ton identité de genre?
Activités
Te sens-tu à l’aise d’exprimer ton genre dans le cadre des activités parascolaires?
As-tu des camarades et des amis qui te soutiennent?
Drogues
Si tu consommes des substances psychoactives, est-ce que tu le fais parfois à cause de tes sentiments au sujet de ton genre?
Sexualité et genre
Y a-t-il des genres particuliers qui t’attirent?
Si tu as une relation amoureuse, cette personne connaît-elle ton identité de genre et la soutient-elle?
Suicide ou dépression
Comment te sens-tu à l’idée d’avoir une identité de genre différente du sexe qui t’as été assigné à la naissance?
Sécurité
Y a-t-il des lieux où tu choisis de ne pas faire connaître ton identité de genre ou des personnes que tu choisis de ne pas informer de ton identité de genre? Est-ce parce que tu crains pour ta sécurité?
Les éléments cliniques de soins d’affirmation de genre
Les interventions médicales d’affirmation de genre peuvent représenter un élément important des soins complets pour certains adolescents TDIG. Pour garantir une approche individualisée, il est capital de tenir un dialogue ouvert avec l’adolescent, qui fait ressortir la diversité des trajectoires que les personnes TDIG peuvent emprunter (tableau 7). Certains adolescents TDIG ne souhaiteront peut-être jamais amorcer autre chose qu’une transition sociale, tandis que d’autres commenceront par une transition sociale avant de s’intéresser à des interventions médicales, et que d’autres encore exprimeront l’objectif clair d’amorcer une transition médicale dès le début de leur adolescence. Après une évaluation biopsychosociale complète, les possibilités d’interventions médicales d’affirmation de genre suivantes peuvent être envisagées chez les adolescents à la diversité de genre marquée et soutenue[62].
Les inhibiteurs d’hormones
Également appelés inhibiteurs de puberté ou bloqueurs hormonaux, les inhibiteurs d’hormones sont des médicaments qui atténuent les effets des stéroïdes sexuels endogènes. Les inhibiteurs d’hormones souvent prescrits au Canada et les principales considérations relatives à leur utilisation sont exposés au tableau 6. Ils peuvent supprimer les expériences déclenchées par les stéroïdes sexuels, telles que les menstruations (chez les personnes de sexe féminin assigné à la naissance) ou les érections (chez celles de sexe masculin assigné à la naissance) et interrompre ou ralentir les changements physiques attribuables aux stéroïdes sexuels qui se poursuivent jusqu’au début de l’âge adulte. Les GnRHa sont des inhibiteurs d’hormone qui interrompent la progression pubertaire lorsqu’ils sont amorcés avant la fin du développement pubertaire. La suppression hormonale est réversible, et la production de stéroïdes sexuels endogènes, leurs effets ou ces deux phénomènes reprendront à l’arrêt des inhibiteurs d’hormones[62][64][85]-[89].
Au départ, sur le plan clinique, la prescription d’inhibiteurs d’hormones vise à donner au jeune le temps d’explorer son identité de genre sans ressentir la pression ou la détresse liée au développement continu des caractéristiques sexuelles secondaires ou à des expériences genrées comme les menstruations ou les érections[18][23][62][64][85][90]. Si un jeune continue d’exprimer une dysphorie de genre dans le temps et qu’il souhaite un jour se soumettre à d’autres traitements d’affirmation de genre, les GnRHa peuvent également prévenir la poursuite du développement de caractéristiques sexuelles secondaires irréversibles qui peuvent rendre la transition médicale et chirurgicale plus difficile[18][62][64][85][86]. De plus, leur action inhibitrice peut favoriser l’utilisation de doses d’hormones d’affirmation de genre plus faibles pour parvenir aux objectifs de transition phénotypique plus tard dans la vie[64][78][91].
Des adolescents TDIG qui ont demandé et reçu des inhibiteurs d’hormones dans le cadre d’une approche multidisciplinaire des soins rendent compte d’une meilleure santé mentale et d’un meilleur fonctionnement psychosocial[37][85][92]-[94]. L’accès à ces médicaments est associé à un moindre risque d’idéation suicidaire au cours de la vie[95]. Un traitement par un agoniste de l’hormone de libération des gonadotrophines (GnRHa) pendant la puberté est lié à un ralentissement de l’acquisition de la densité minérale osseuse, qui reprend au moins partiellement à la prise d’une hormonothérapie d’affirmation de genre (HTAG) ou à la reprise de la production de stéroïdes sexuels endogènes[86][96]-[101]. L’utilité d’examens d’absorptiométrie à rayons X en double énergie (ostéodensitométrie) au début du traitement par GnRHa, puis de façon systématique et répétée par la suite, fait l’objet de recherches et de débats. Les inquiétudes des opposants aux soins médicaux d’affirmation de genre quant aux répercussions permanentes potentielles de l’inhibition temporaire des stéroïdes sexuels pendant l’adolescence sur la fonction cognitive n’ont pas été corroborées jusqu’à présent[102].
Il ne faut pas prescrire d’inhibiteurs d’hormones avant le début de la puberté (stade II de Tanner), pour deux raisons. D’abord, les concentrations de stéroïdes sexuels en circulation chez les enfants prépubères sont déjà faibles, mais aussi, le début de la puberté est une expérience importante au cours de laquelle les jeunes peuvent acquérir une compréhension plus claire de leur identité de genre[18][20][64][85][86][90]. La prise d’inhibiteurs d’hormones dès le début de la puberté peut avoir des effets à la fois positifs (p. ex., plus de possibilités chirurgicales pour masculiniser la paroi thoracique) et négatifs (p. ex., moins de tissu scrotal pour procéder à une vaginoplastie) à l’égard des possibilités de chirurgies d’affirmation de genre chez les personnes qui souhaiteraient un jour se soumettre à de telles interventions[64][103]. Des conseils détaillés sur l’amorce des inhibiteurs d’hormones figurent dans les directives cliniques de l’Endocrine Society[64] et les WPATH SOC-8[62].
Même si les inhibiteurs d’hormones n’ont pas de répercussions permanentes sur la fertilité, il est recommandé de discuter d’abord avec l’adolescent de la possibilité de préserver sa fertilité, pour diverses raisons. La préservation de la fertilité n’est pas toujours possible pendant l’hormonothérapie et, après l’avoir entreprise, certains jeunes peuvent hésiter à l’arrêter pour faciliter ces interventions[64][90][104]. Puisqu’il est impossible de préserver la fertilité des adolescents au début de la puberté (hors d’un contexte de recherche), il peut être pertinent d’obtenir leur point de vue sur la fertilité pour planifier l’initiation des inhibiteurs d’hormones chez certains.
Tableau 6. Les inhibiteurs d’hormones courants pour les soins médicaux d’affirmation de genre
Agent
Principales considérations
Chez les personnes de sexe féminin assigné à la naissance
GnRHa (acétate de leuprolide pour suspension à effet prolongé)
Administrés par voie intramusculaire, généralement toutes les quatre ou douze semaines
Agissent sur l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique pour inhiber la production gonadique d’œstrogène et représentent donc l’option inhibitrice la plus efficace.
Les effets secondaires incluent la douleur, la rougeur et l’irritation ou un abcès stérile au point d’injection (dans environ 5 % des cas), des bouffées de chaleur pendant les quelques premiers mois suivant le début du traitement, des fluctuations d’humeur (irritabilité, baisse d’humeur) vers le début du traitement, une baisse de libido, des céphalées ou des modifications visuelles (y compris une rare association avec l’hypertension intracrânienne idiopathique).
Peuvent provoquer un saignement « de poussée hormonale » après la première dose.
Peuvent ralentir la croissance linéaire s’ils sont administrés pendant une poussée de croissance pubertaire.
S’ils ne sont pas pris au moment prévu, la puberté peut reprendre.
Coûteux (pour certains, les coûts peuvent être remboursés par les régimes d’assurance provinciaux ou territoriaux, une assurance privée ou un programme de prestations de compassion du fabricant).
Après leur arrêt, les effets hormonaux et pubertaires endogènes reprennent généralement dans les six mois.
Conseiller des exercices de mise en charge et l’optimisation de l’apport en calcium et en vitamine D pour promouvoir la santé osseuse. Envisager d’effectuer une ostéodensitométrie pour évaluer la densité minérale osseuse avant le début du traitement.
Un électrocardiogramme est recommandé chez les adolescents qui prennent un autre médicament reconnu pour prolonger l’intervalle QT ou qui ont des antécédents familiaux d’anomalies de l’intervalle QTc.
L’utilisation en monothérapie pendant une longue période (généralement plus de deux ans) peut comporter des risques associés à l’absence prolongée d’exposition aux stéroïdes sexuels.
Contraceptif oral combiné
Pris par voie orale une fois par jour.
En prescription continue, peut réduire la fréquence des saignements menstruels.
N’interrompt pas le développement pubertaire.
Peut traiter la dysménorrhée et agir comme contraceptif.
Doit être pris tous les jours pour être efficace.
Les effets secondaires incluent les nausées, la sensibilité des tissus du torse, des microrragies, des ballonnements.
Augmentation du risque de thromboembolie. Il faut évaluer les adolescents pour écarter les contre-indications.
Contient des hormones féminines (œstrogènes et progestatifs), qui peuvent être sources de détresse pour les jeunes TDIG.
Acétate de médroxyprogestérone pour suspension à effet prolongé
Administré par voie intramusculaire, généralement toutes les douze semaines.
Peut réduire la fréquence des saignements menstruels, mais cet effet est variable. Est généralement plus efficace lorsqu’il est utilisé longtemps.
N’interrompt pas le développement pubertaire.
Les effets secondaires incluent la douleur, la rougeur ou l’irritation au point d’injection, la prise de poids, la baisse de libido, les fluctuations d’humeur, les saignements intermenstruels.
L’utilisation en monothérapie pendant une longue période (généralement plus de deux ans) peut comporter des risques pour la santé osseuse.
Conseiller des exercices de mise en charge et l’optimisation de l’apport en calcium et en vitamine D pour promouvoir la santé osseuse.
Contient des hormones féminines (progestatifs seuls), qui peuvent être sources de détresse pour les jeunes TDIG.
Dispositif intra-utérin au lévonorgestrel
Inséré dans l’utérus par un professionnel de la santé formé. Efficace jusqu’à cinq ans.
Peut réduire la fréquence des saignements menstruels, mais cet effet est variable.
N’interrompt pas le développement pubertaire.
Le prix peut être prohibitif.
Peut traiter la dysménorrhée et agir comme contraceptif.
Les effets secondaires incluent un inconfort au moment de l’insertion, des saignements intermenstruels, de l’acné.
Contient des hormones féminines (progestatifs seuls) et peut être considéré comme invasif, ce qui peut être source de détresse chez les jeunes TDIG.
Contraceptif oral à progestatif seul
Pris par la bouche une fois par jour.
Peut réduire la fréquence des saignements menstruels, mais son effet est variable en fonction du type et de la dose de progestatif. Est généralement plus efficace lorsqu’il est utilisé longtemps.
N’interrompt pas le développement pubertaire.
Certaines formulations peuvent traiter la dysménorrhée et agir comme contraceptif.
Doit être pris tous les jours pour être efficace, y compris une adhésion rigoureuse (ingestion toujours à la même heure) pour certaines formulations.
Les effets secondaires incluent les microrragies, la sensibilité du torse, l’acné, la baisse d’humeur.
Contient des hormones féminines qui peuvent être sources de détresse pour les jeunes TDIG.
Chez les personnes de sexe masculin assigné à la naissance
GnRHa (acétate de leuprolide pour suspension à effet prolongé)
Les considérations sont semblables à celles exposées ci-dessus chez les personnes de sexe féminin assigné à la naissance.
Agissent sur l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique pour inhiber la production gonadique de testostérone et représentent donc l’option inhibitrice la plus efficace.
Les jeunes peuvent éprouver une augmentation transitoire des érections après la première dose.
Peu susceptibles d’inhiber complètement les érections, mais peuvent en réduire la fréquence et la durée.
Spironolactone
Comprimés pris par voie orale de une à deux fois par jour.
Bloque l’action de la testostérone, mais une exposition légère et continue peut se produire, de manière que certaines personnes conservent une certaine fonction sexuelle.
Doit être prise selon les indications posologiques pour être efficace.
Peut ralentir la progression pubertaire, mais pas l’interrompre complètement.
Exige une surveillance électrolytique.
Les effets secondaires peuvent inclure la fatigue, les fluctuations d’humeur, la baisse de libido, les céphalées, l’augmentation des mictions
Peut causer une gynécomastie (une augmentation de la quantité de tissu mammaire), qui peut être un effet souhaité chez certaines personnes.
Acétate de cyprotérone
Comprimé pris par voie orale tous les jours ou tous les deux jours.
Exerce une action à la fois centrale et périphérique (effets progestogéniques et anti-androgéniques). Peut être plus efficace que la spironolactone.
Doit être pris selon les indication posologiques pour être efficace.
Peut ralentir la progression pubertaire, mais pas l’interrompre complètement.
Les effets secondaires incluent les fluctuations d’humeur (plus prononcées que celles causées par la spironolactone), la fatigue, la baisse de libido, les ballonnements, l’acné.
La surveillance de la prolactine s’impose. L’acétate de cyprotérone est associé à une augmentation du risque d’hyperprolactinémie, notamment en conjugaison avec des œstrogènes.
Est associé à une augmentation du risque de méningiome. Peut être associé à une hépatotoxicité. Contre-indiqué chez les personnes ayant un dysfonctionnement hépatique.
GnRHa agonistes de l’hormone de libération des gonadotrophines;TDIG transgenres ou de diverses identités de genre
Les hormones d’affirmation de genre
L’HTAG peut être un aspect important des soins chez certains adolescents à la diversité de genre marquée et soutenue[62][64]. Elle est prescrite pour promouvoir le développement de caractéristiques physiques qui correspondent le mieux à l’identité de genre ressentie[62][64][98][105]. Chez les personnes de sexe féminin assigné à la naissance qui désirent avoir une apparence plus masculine, on prescrit des esters de testostérone, tandis que chez les personnes de sexe masculin assigné à la naissance qui souhaitent avoir un physique plus féminin, on utilise du 17β-estradiol. Chez les adolescents, les doses initiales de médicaments hormonaux sont généralement plus faibles que chez les adultes, les doses étant accrues au fil du temps de manière à simuler la progression de l’exposition aux stéroïdes sexuels tout au long de la puberté[64][91].
L’HTAG est considérée comme une intervention partiellement réversible, car l’administration d’hormones dans le temps entraîne à la fois des changements réversibles et irréversibles[62][64]. Les effets irréversibles de la testostérone incluent l’approfondissement de la voix, l’hypertrophie du clitoris, l’apparition de pilosité corporelle et faciale et peut-être l’alopécie androgénétique. Les modifications de la composition corporelle (p. ex., la redistribution de la masse adipeuse et l’augmentation de la masse musculaire), l’augmentation de la libido, l’acné, les fluctuations d’humeur et la suppression des menstruations sont considérées comme des effets réversibles de la testostérone. Lorsque le taux de testostérone sérique atteint la zone observée chez les adultes de sexe masculin, la testostérone exogène supprimera la production endogène d’œstrogène et, par conséquent, les menstruations. Il faut du temps pour parvenir à ce taux, et la GnRHa ou d’autres formes de suppression menstruelle sont souvent maintenues pendant l’ajustement des doses de testostérone.
Quant à l’estradiol, il finit par induire un développement irréversible du tissu mammaire. Ses effets réversibles incluent l’adoucissement de la peau, des modifications à la composition corporelle (p. ex., redistribution de la masse adipeuse, diminution de la masse musculaire), la diminution du nombre d’érections spontanées et des changements à la qualité du poil corporel. La réversibilité de l’effet des œstrogènes sur le volume des testicules n’est toujours pas clairement établie[106]. Le traitement à l’œstrogène seul n’est pas efficace pour supprimer la production de testostérone endogène. Puisque la testostérone entrave le traitement à l’estradiol, les inhibiteurs d’hormones sont généralement maintenus pendant toute la durée de l’HTAG, à moins de procéder à une gonadectomie (l’excision chirurgicale des testicules ou des ovaires)[64]. Autrement, des doses beaucoup plus élevées d’œstrogène doivent être administrées, avec les risques pour la santé qu’elles représentent.
Tant la testostérone que l’estradiol peuvent réduire la fertilité de manière permanente, dans une proportion qui n’est pas encore pleinement établie. Il est essentiel que les personnes qui prescrivent l’HTAG explorent les désirs de l’adolescent d’avoir une future progéniture apparentée génétiquement et, lorsque la situation l’indique, les envoient en consultation en vue de la préservation de la fertilité avant d’entreprendre le traitement[62][64][90][91]. L’HTAG ne doit jamais servir de méthode de contraception. Il est essentiel d’échanger avec tous les adolescents sur la contraception et le type de rencontres sexuelles qui nécessitent une contraception pour éviter une grossesse non désirée. Ces échanges font partie de la promotion de pratiques sexuelles sécuritaires.
Compte tenu des effets profonds de l’HTAG, il faut en réserver la prescription aux adolescents ayant obtenu un diagnostic confirmé de dysphorie de genre ou d’incongruence de genre et qui sont aptes à comprendre et à soupeser à la fois les avantages et les risques de ces médicaments[62][64]. Tout problème psychologique, médical ou psychosocial cooccurrent qui nuit au traitement doit être abordé afin de s’assurer que l’adolescent est dans un état assez stable pour entreprendre l’HTAG[62][64]. Lorsque l’HTAG est entreprise correctement chez les adolescents qui le désirent, elle est associée à une meilleure perception du bien-être et de la santé mentale, à une diminution des tendances suicidaires et à une diminution de l’insatisfaction corporelle[107]–[109]. L’HTAG est considérée comme sécuritaire chez les adolescents, mais elle peut comporter des risques pour la santé à court et à long terme qui dépassent la portée du présent document de principes[62][64][91][105][110][111]. Les professionnels de la santé qui envisagent de prescrire des hormones d’affirmation de genre doivent se familiariser avec ces profils de risque et avec les recommandations connexes à l’égard de la surveillance, décrits dans les directives de l’Endocrine Society[64]et des WPATH SOC-8[62]. Ceux qui ont l’impression de ne pas posséder les connaissances ou les compétences pour prescrire une HTAG doivent s’assurer de diriger rapidement les adolescents intéressés vers des collègues en mesure de prodiguer de tels soins.
Les chirurgies d’affirmation de genre
Les chirurgies d’affirmation de genre sont moins fréquentes dans la population adolescente, mais les jeunes TDIG peuvent inclure les interventions chirurgicales dans leurs objectifs de transition. S’ils connaissent les principales chirurgies d’affirmation de genre et en parlent aux adolescents qui en expriment l’intérêt, les dispensateurs de soins pédiatriques peuvent être bien placés pour soutenir l’éducation et la réflexion de leurs patients sur l’intégration de telles interventions à leur vie future[112].
Les principales chirurgies d’affirmation de genre chez les personnes au sexe féminin assigné à la naissance sont la masculinisation du torse (mastectomie bilatérale et remodelage du torse), généralement qualifiée de chirurgie « du haut » ou « de la partie supérieure » (connue sous le nom de top surgery)[113]. Certaines personnes TDIG souhaitent se soumettre aux chirurgies « du bas » ou « de la partie inférieure » (connue sous le nom de bottom surgery). Ces interventions sont cependant restreintes aux personnes de 18 ans et plus. Elles incluent des chirurgies pour créer un phallus (libération du clitoris, métoïdioplastie, phalloplastie) ou une hystérectomie accompagnée ou non d’une salpingo-ovariectomie bilatérale chez les personnes au sexe féminin assigné à la naissance, et d’une vaginoplastie ou d’une orchidectomie chez les personnes au sexe masculin assigné à la naissance[62][64]. Les processus et les seuils d’âge pour financer les chirurgies d’affirmation de genre varient selon les provinces et les territoires du Canada.
Recommandations
Les professionnels de la santé (PdS) doivent adopter une approche d’affirmation pour les soins de tous les enfants et les adolescents, y compris ceux qui sont transgenres ou de diverses identités de genre (TDIG).
Les PdS devraient acquérir les connaissances nécessaires pour fournir des conseils aux enfants et adolescents TDIG et à leur famille sur les possibilités de soins médicaux d’affirmation de genre. S’ils ne se sentent pas en mesure d’acquérir les connaissances nécessaires pour offrir un tel counseling, ils doivent orienter les enfants et les adolescents TDIG vers des ressources appropriées pour favoriser des soins optimaux.
Une formation accrue sur l’affirmation de genre devrait être intégrée aux programmes en pédiatrie et surspécialités de la pédiatrie au Canada.
Les PdS possédant les connaissances et les compétences appropriées doivent bénéficier d’un soutien pour amorcer et maintenir le traitement aux inhibiteurs d’hormones chez les jeunes TDIG pubères en attente de soins spécialisés liés au genre.
Les PdS possédant les connaissances et les compétences appropriées doivent bénéficier du soutien nécessaire pour amorcer et maintenir l’hormonothérapie d’affirmation de genre chez les jeunes TDIG pubères.
Les Pds devraient préconiser un accès rapide à des soins spécialisés liés au genre.
Les PdS devraient recommander que tous les endroits où les enfants et les adolescents passent du temps soient sécuritaires et inclusifs pour les personnes TDIG, y compris dans les écoles et dans le cadre des activités parascolaires.
Les soins d’affirmation de genre doivent être considérés comme la norme des soins chez les jeunes TDIG.
Tableau 7. Les étapes cliniques pour une pratique d’affirmation de genre
1. Fournir un lieu accueillant et sécuritaire
Assimiler la terminologie appropriée et à jour.
En cas d’incertitude quant au langage à utiliser, s’informer auprès du patient.
Former tout le personnel à utiliser un langage d’affirmation à chaque rencontre en cabinet.
Dans la salle d’attente, afficher des images et fournir des ressources qui témoignent d’une culture de soins diversifiée et inclusive.
Adopter des protocoles en cabinet orientés vers l’adolescent (p. ex., prévoir du temps pour prodiguer des soins confidentiels à chaque rendez-vous et offrir des horaires flexibles, des périodes sans rendez-vous, des suivis par téléphone ou par texto).
2. Fournir des soins familiaux proactifs précoces
Encourager les parents à créer un domicile où l’identité de genre n’est pas présumée, stigmatisée, ni forcée.
Renforcer la relation entre les parents et leur adolescent par tous les moyens possibles.
Mobiliser la famille, la famille élargie, les proches et la communauté à soutenir les parents et l’adolescent.
Promouvoir des relations thérapeutiques de confiance et collaboratives, dans l’intérêt primordial de l’enfant ou de l’adolescent.
3. Répondre aux besoins de l’adolescent
Être ouvert à discuter des possibilités et des trajectoires avec les personnes TDIG. OU
Assurer une orientation rapide vers des collègues qui peuvent prodiguer ces soins.
Connaître assez bien l’hormonothérapie d’affirmation de genre pour parler des avantages et des risques de chaque intervention et des protocoles de surveillance. OU
Assurer une orientation rapide vers des collègues qui peuvent prodiguer ces soins.
S’informer des objectifs de fertilité de l’adolescent et parler de préservation de la fertilité pour orienter le moment d’entreprendre les inhibiteurs d’hormones. ET
Orienter vers des experts appropriés avant d’entreprendre le traitement médical, en fonction des besoins.
Inviter les questions et les échanges sur la santé contraceptive et les relations sexuelles qui exigent une contraception.
Être en mesure de discuter de la manière dont les chirurgies d’affirmation de genre (même si elles sont moins courantes chez les adolescents TDIG) peuvent (ou non) s’intégrer à la vie future. OU
Diriger vers des collègues qui peuvent fournir l’information.
Rassurer en expliquant que la dysphorie de genre n’est pas indicatrice d’une identité de genre « pathologique », mais caractérise la détresse qui s’y rattache et une trajectoire vers des services bienveillants.
Utiliser l’entrevue motivationnelle pour évaluer la motivation individuelle, les objectifs de vie, l’aptitude à prendre des décisions thérapeutiques.
5. Optimiser l’évolution clinique
Aborder les éventuels problèmes psychologiques, médicaux ou psychosociaux coexistants.
Être outillé pour surveiller les personnes qui entreprennent une hormonothérapie et leur prodiguer des soins de suivi.
Connaître les tests de dépistage appropriés (p. ex., surveiller les taux d’électrolytes chez l’adolescent à qui on prescrit de la spironolactone pour l’inhibition d’hormones).
HEEADSSS domicile (home), éducation et emploi, alimentation (eating), activités, drogues, sexualité et genre, suicide ou dépression, sécurité; TDIG transgenres et de diverses identités de genre
Remerciements
Le comité de la pédiatrie communautaire et le comité de la santé mentale et des troubles du développement de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes, de même que des représentants du Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique.
COMITÉ DE LA SANTÉ DE L’ADOLESCENT DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2021-2022)
Membres : Holly Agostino MD; Marian Coret MD, M. Sc., B. Sc. (membre résidente); Megan Harrison MD FRCPC; Ayaz Ramji MD (représentant du conseil); Alene Toulany MD, M. Sc., FRCPC; Ashley Vandermorris MD, M. Sc., FRCPC; Ellie Vyver MD, FRCPC (présidente)
Représentante : Amy Robinson MD, FRCPC (section de la santé de l’adolescent)
Auteurs principaux: Ashley Vandermorris MD, M. Sc., FRCPC; Daniel L. Metzger MD, FAAP, FRCPC
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.